vendredi 10 septembre 2010

MANOIR DU CAPITAINE

DE LA SEIGNEURIE DU CROQUET AU « MANOIR DU CAPITAINE »

                                                                                                           Alain GRAUX

La maison du Croquet
La seigneurie et terre du croquet est un fief dépendant de la cour féodale de Fontaine-l’Evêque. Son siège était la Maison du Croquet (Kroket) sise rue Boulouffe, dans l’ancienne drève longeant la prairie du Cygne et l’étang du parc du château féodal de Feluy.
Mademoiselle Verset, dans ses Annales historiques sur Feluy (p. 14) dit que la seigneurie du Croquet appartenait à Goswin III de Feluy en 1185 et qu'elle passa par échange à son beau-fils Drogon d’Arquennes. Nous n'avons pu retrouver aucun document parlant de cette mutation.
La première mention du Croquet remonte à 1411, date où l’on cite l’échevinage du Croquet ayant à sa tête Henry de la Colle, mayeur ; Jacquemart Dantoing, Godefroid dou Sart, Noullart de la Warde et Pierrart Robinet comme échevins.
Le 4 octobre 1438, Estiennemont Lievenars « demorant à Feluy en la Maison dou Croket remonstre que il a pris à censse de Melkior Darkennes, la dite maison dou Kroket » .
Il fit l’inventaire des biens appartenant à Melchior, à savoir : vaches, juments, poulains, harnachement des bêtes, et tous les meubles meublant, plats en étain, etc., qu’il devra remettre en fin de son bail.
En 1465, La terre et seigneurie du Croquet sont déjà reprises dans les biens du seigneur de Feluy, elles le resteront jusqu’à la période française.
Le 26 mai 1500 (n.st.), un chirographe énonce : « Colart Gaudy at ce jour demorant en la cense du Kroket "
Au début du XVIe siècle, la famille Hanicq commence à acheter la plupart des biens de main-ferme de la seigneurie du Kroket.
Le 22-6-1532, par la mort de sa tante, Marie de Ter Spoute dame et de Huldenberg, damoiselle Ysabeau de Wittem et de Berselle veuve de Bernard van Orley dame de Seneffe et de Petit-Roeulx remonstre que par le trépas de son oncle, feu messire Claude de Silly, son mari « ly estoit succédé et appertenir plusieurs partie de rentes héritières. Asscavoir seize livres tournois de rente que doit chacun an, au jour de Noel Jehan Hanicq dit Groulier sur aulcuns ses héritaiges de main-ferme gisant à Feluy, revenant à sa maison et héritaiges du Croket »
Le 10-12-1532, Gérard du Boys vend à Grégorette de Somaing veuve de Jehan compère, l’héritaige d’une rente de 70 sols toumois due sur un ½ bonnier de pré gisant a Feluy en la ségneurie du Croquet.
Le 20-6-1537, Michel Valenne, Marchand de pierres a Feluy, vend a Jehan Hanicq, cambier, demeurant au Croquet à Feluy, deux parties de la Clôsure de Gérimont tenant a Jehan Hanicq au Chemin Losteau et aux hoirs Florent Pasbeau, le tiers d'un joumel et demi de terre et la moitié d'un demi bonnier de terre jouxtant la terre Barbe de Dompierre, etc...
En 1589, la veuve et héritiers Pierart de Goschillies « doibt argent, que fu aux hoirs Jan le Rousseau dit Waissot que ledit Tassart laissa aux povres, assinée sur leur maison et jardin en la Grand-rue, tenure du Croquet, xv solz »
En 1590, la veuve et hoirs Anthoine Hanicq dit Crédo doivent au noël 2 sols de rente pour un warressaix près du Croquet que le père dudit Anthoine à pris a recours au dessus d’une hypothèque.
En 1696, on cite « les hoirs Anthoine Hanicq a eulx venant de ladite Jenne Poullet sur un courtil gisant au Croquet. »
En 1599, La veuve Eustace de Hennault dit Tempronneur doit une rente à la seigneurie du Croquet pour un bonnier de terre qui fut à Jean Lembourcg et à Pierart le Prince.
En 1548, la seigneurie du Croquet fut mise en arrentement par Charles de Rubempré, seigneur de Feluy à Vespasien le Sure dit de Jacquemont, bailli de Familleureux et receveur de Feluy.
La seigneurie avait haute, moyenne et basse justice, maison de plaisance avec jardin, cense des Noyelles et 216 bonnieis de terres et prairies; elle relevait de la Seigneurie de Fontaine-l’Evêque.
On connaît exactement la consistance de la seigneurie par le relief du 10 mars 1675

A.E.M. 2757, greffe scabinal


A tous ceux que ces présentes verront et oiront, nous Louys de Bouloigne, à ce jour bailly de la ville, terre et baronnie de Fontaine, ses appendances et dépendances, suffisamment commis et estably par Messire Philippe-Charles de Rodoan, Sr baron dudit Fontaine etc.., scavoir faisons que pardevant moy comme Bailly sy que dit est aussy de la présence des hommes de fief de la ditte terre et Baronnie en nombre compétent cy embas dénommés comparu le Sr Mathias du Fond Bailly et recepveur des Terres et Seigneurie de Felluy et Arquennes, lequel en vertu de procuration suffisante luy donnée par par noble et illustre Seigneur et Comte du pays et terre de Grimberghe et de noble et illustre dame Madame Marie Jacqueline de Lalaing, comtesse de Grimberghe signée de leurs signatures et munie de leurs armes en cire rouge, sy qu'est apparu par Icelle icy vue et lue portante date du cinquième de décembre 1674, nous at remonstré pour et au nom desdits seigneur et Dame que par le trépas de feue de bonne mémoire noble dame Madame Marie de Renesse, comtesse est arrivé le 12 décembre 1673, il est ou est dit et dévolu sur le test de la ditte Dame Marie Jacqueline de Lalaing en fief liege gisant à Feluy vulgairement appelé le Fief du Croquet se comprenant en haulte moyenne et basse justice et en plusieurs rentes seignoriales tant en grains, plumes qu'en argent tenu en homaige et ferme de Monsr le Baron de Fontaine a cause de sa ditte terre et baronnie, en relief duquel fief il l nous at requis de recepvoir le collussions au nom desdits seigneur et dame aussy en hommaige de mondit seigneur Baron à laquelle requeste juste et raisonnable condescendance nous avons icelluy du Fond pour et au nom du dit Seigneur Comte a titre de laditte Dame sa compaigne admis et receu en relief dudict fief dou Croquet et ses dépendances aussy en hommage et faire de mondit seigneur Baron à cause de sa ditte terre et baronnie ayant receu de luy a cet effect le serment de fidélité en tel cas requis et pertinent a proustation néanmoins de par lesdits Seigneur et dame de ne se vouloir irnmisner aux devis de leur feu père et mère ayant esté le dit seigneur comme tenu pour diligent au présent relief le tout sans préiudice aux droits du seigneur d'en apporter le dénombrement endéans quarante jours datte de ceste. Pour a quoy satisfaire nous at dit et déclaré la ditte Terre et Seigneurie du Croquet consistant en noeuf livres tournoye l'an de rente en argent et quarante chapons et dix huict poulles et le quart d'une et un fourcqué, ainsy qu'il nous at faict confier par extrait du compte de laditte Seigneurie signé de sa main qu'il at icy en droit. Ainsy faict et passé au dit Fontaine le Xe jour de mars mil six cent septante cincq, present comme bailly le dit Louys de Bouloigne et comme homme de fief de laditte terre et seigneurie Philippe du Four et Jacques Lamourette dont afin que toutes les choses susdittes soyent tenues comme fermes stables et véritables ledit de Bouloigne a apposé son scel.

Signé L. de Bouloigne.

Le XVIIe siècle révèle de nombreuses rentes dues par Anthoine Hanicq dit Crédo sur des biens sis au Croquet. A cette époque la maison du Croquet appartient à la famille Lallemand, d’abord, Georges Lallemand, maistre de camp, gouverneur de Condé, époux de Marie Mondaca. On trouve ensuite leur fils Georges Lallemand, seigneur de Rousselaere (West-Flandre), de la Motte (Nivelles) et Bouillon (Baulers). Il avait épousé Alexandrine Sckokaert à Nivelles en 1655. Ces époux eurent plusieurs enfants :
Jean, qui épousa à Feluy Jeanne Lernes le 8-11-1666
Anne, née à Baulers le 23-4-1658, décédée à Feluy le 20-7-1715n épouse Duhoux.
Marie-Joseph, décédée à Feluy le 20-3-1698
Ferdinand, époux de Marie Tacquenier.

Un texte de 1721 décrit la maison du croquet :
"... maison de plaisance et jardins garnis d'arbres à fruits, bosquet en étoile garni d’ormes et bois blancs, maison de cense avec granges, étables, écuries et autres édifices avec ,28 bonniers tant terres que prairies val. Annuellement 1.000 livres …» .
La carte figurative de Feluy en 1758 nous apprend que la maison et cense du Croquet appartiennent au Sr Dehoux, beau-fils de Monsieur Lallemand. Ce plan a été dessiné par le géomètre Fonson lors d’un procès entre le seigneur de Feluy et le propriétaire du Croquet.

Ces deux sœurs furent les actrices d’un curieux fait de sorcellerie qui se passa au croquet, voir mon article sur ce sujet dans le bulletin de la S.R.H.E.S. n°3, 2000, pp.31-31.

A.E.M. Cour féodale de Fontaine-l’Evêque (1721-1728).

En fait elle appartient par indivis à celui-ci et à Marie-Anne-Rose Lallemand, épouse de Michel-Louis de Mahieu, fille de Ferdinand.
C’est ainsi que le Croquet passa aux mains de la famille de Mahieu :
Jean-Ferdinand, chevalier de Mahieu, seigneur de Warelle et de l’Hallemand (sic), né à Bruxelles en 1727, y décédé en 1783, avocat, époux de Marie Berthe de Biseau, fille du seigneur de Familleureux.
Le bien passa aux mains de l’avocat Charles Halbrecq demeurant à Mons. Le plan cadastral effectué vers 1830 en atteste.
Vers le milieu du XIXe siècle la maison du Croquet devient une brasserie.

La brasserie Saint-Joseph
C’est Antoine Félix qui créa cette brasserie dans la parcelle 661a du cadastre.
Il naquit à Feluy le 29 pluviôse an 8 (18-2-1800). Il se maria à Courcelles avec Isabelle Rombaut qui lui donna trois enfants.
Leur fils Jules travailla comme brasseur dans l’entreprise familiale.
En 1881, Martin Monnoyer loue la brasserie
La brasserie fut ensuite rachetée par Léon Lechien, brasseur né à Celles le 23-8-1842, et son épouse Justine Dewattines, née à Molembaix le 20-2-1845.














La brasserie s’appelle alors « brasserie Saint-Joseph », ils l’exploitèrent jusqu’en 1906. Léon Lechien décéda à Feluy le 4 septembre 1913.
Dans le corps de logis de belles fresques rappelaient l’activité brassicole de la maison.

Le haras
En 1906, Louis Bourg, de Waterloo, achète la brasserie afin de créer un haras.
Le vétérinaire Camille Boydens habite le haras et dispense ses soins aux chevaux jusqu’en 1964 environ. Il est remplacé par la famille Bororwsky jusqu’en 1980, le propriétaire est M. Bourg, fils.
Depuis 1980 jusqu’en 1994, c’est M. Scott qui prit la relève.
Le haras comporte 44 box et dépendances, jardin, pâtures le tout faisant 1ha 48a. Il est ceinturé de grandes pâtures où paissent les chevaux :
Un pré de 6ha 60a forme l’angle du chemin Boulouffe et de la rue Saint-Georges
Un pré d’1ha 18a à l’angle du chemin Boulouffe et du chemin de la Tourette
Le haras fut vendu le 30-9-1994, devant le notaire Gérard Debouche, pour la somme de 12.750.000 Fr.

Le « Manoir du Capitaine
















Le haras a été acheté par M. Christophe Vandestraete, propriétaire de la ferme du Capitaine, pour créer un appart-hôtel de grand standing. Il l’a appelé « Manoir du Capitaine » par référence à son autre propriété.
L'hôtel compte 30 chambres, on y a créé de grandes suites luxueuses. Chaque suite a fait l'objet d'un aménagement différent dans le respect de l'authenticité du bâtiment: parois de chêne, mobilier en bois de cerisier et de chêne, lambrissages, combinaisons uniques de coloris et même un lit à baldaquin dans certaines suites, des chambres à coucher séparées, des salles de bains moderne, des salon avec télévision, des salles à manger et cuisines entièrement équipées.
La brasserie jouxtant l'hôtel a été restaurée dans l'état d'origine du bâtiment: les murs intérieurs de briques nues ont été nettoyés, de même que les voûtes, magnifiques, soutenues par des pilastres en pierre de taille. De grandes baies vitrées offrent une belle vue sur une cour intérieure pittoresque.

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