LA « S.A. LA SENEFFOISE »
Alain GRAUX
Le 22 avril 1932,
devant Me Fernand Hubert, notaire à Seneffe, comparurent :
-
La société en commandite simple A. Charles, L. Degrève et Compagnie,
ayant son siège à Bruxelles, 101, Bd. Adolphe Max.
-
M. Léon Degrève, agent de change,
demeurant à Bruxelles,
-
M. Armand Charles, agent de
change, demeurant à La Louvière
-
M. Alfred Gillaux, instituteur
pensionné, demeurant à Arquennes
-
M. Joseph Piron, chef de service,
demeurant à Arquennes
-
M. Lucien Gaudy, industriel à La
Louvière
-
M. Joseph Faucon, expert
comptable, demeurant à La Louvière
-
M. Albert Legrand, comptable,
demeurant à Haine-Saint-Pierre
Déclarent
avoir formé une société anonyme sous la dénomination « La
Seneffoise ».
La société a pour
objet toutes opérations industrielles et
commerciales intéressant la fabrication, l’achat et la vente d’appareils
électriques et radiophoniques, et de toutes matières, produits quelconques,
câbles, tubes, fils isolants nécessaires à la construction ou l’exploitation
des dits appareils.
La société prend
cours à partir du 22 avril 1932, pour une durée de 30 ans.
Le capital social
se monte à 250.000 Fr., représenté par 1.000 actions
Ces milles actions
sont réparties comme suit :
-
la société en commandite simple «A. Charles, L. Degrève et Compagnie » :
912 parts
-
Armand Charles : 25 parts
-
Léon Degrève : 25 parts
-
Alfred Gillaux : 19 parts
-
Joseph Piron : 3 parts
-
Lucien Gaudy : 10 parts
-
Joseph Faucon : 10 parts
-
Albert Legrand : 5 parts [1]
Le premier conseil
d’administration est composé de trois administrateurs :
Alfred Gillaux,
président ; Lucien Gaudy et Joseph Faucon ; et un seul
commissaire : Albert Legrand[2]
En 1932, la « Câblerie Seneffoise »
s’est installée sur le site de la « S.A. des Ateliers de Seneffe » et
le développement de ses activités a nécessité la construction de nouveaux
locaux industriels.
A
l’avant plan, les usines de « La Seneffoise » à côté de la
« Franco-Belge »
En 1932, la
« Câblerie Seneffoise » s’installa sur le site où s’élevait à partir
de 1870-1880, la ‘Société des Forges et Ateliers de Seneffe’ à proximité de la
gare profitant aussi de la présence du canal
Les machines
employées pour la fabrication proviennent de France, le matériel constituant
les fils électriques, câble électriques à basse tensions, etc., provient de
l’étranger sauf le coton qui arrive des linières gantoises. Le cuivre arrive du
Congo en minerais ; à Hoboken il est transformé en lingots, ceux-ci sont
dirigés vers la tréfilerie d’Hémixem qui les envoient à Seneffe tréfilés depuis
0, 05 mm
à 3 mm ,
ou étamés (les fils étamés sont plus facilement soudés) . On utilise de
caoutchouc venant des Indes, il arrive
en blocs de feuilles de 100 kg .
LES A.C.E.C.
« A la vente
de la câblerie électrique aux A.C.E.C., (Ateliers de Construction
Electriques de Charleroi) on créa
« La Seneffoise », qui occupa d’abord des anciens entrepôts à bois,
puis les Ateliers de Seneffe qui avaient arrêtés leurs activités (vers
1950). » (Enquête orale, 1981/Léon Wautié)
Photo des membres du personnel de la câblerie
en 1945
La production
La fabrication des
fils et câbles électriques nécessite comme matière première de base le fil de
cuivre, laminé et tréfilé en Belgique.
L’isolation est
réalisée au moyen de caoutchouc naturel ou synthétique, de néoprène de
polychlorure de vinyle, de polyéthylène et de nylon. Les revêtements de textile
(coton), moins résistants aux agents extérieurs, sont presque abandonnés.
Un mélangeur à deux
cylindres animés d'une vitesse de rotation différente et chauffés à une
certaine température déchire entre ses rouleaux les fibres des plaques de latex
qui lui sont présentées. Cette opération a pour conséquence de faire perdre au
latex ou caoutchouc naturel son élasticité, de le rendre malléable et de
permettre l'incorporation de charges (noir de fumée, kaolin, etc. L'ouvrier
chargé de ce travail détache constamment des rouleaux des plaques de caoutchouc
qu'il réintroduit entre les cylindres jusqu'au moment où la préparation atteint
le degré voulu de malléabilité. C'est un travail très dur qui exige une dépense
physique considérable.
Découpé en bandes,
le caoutchouc est réchauffé sur le mélangeur où trois cylindres chauffés à
écartement réglable l'écrasent de nouveau pour le calandrage ou laminage,
opération d'où il sort sous forme de feuilles à l'épaisseur désirée et
soigneusement contrôlée.
Un premier procédé
de gainage utilisé pour le caoutchouc seulement consiste à faire passer entre
deux bandes de caoutchouc chauffé une douzaine de fils guidés par des roues
rainurées.
Par pression, les
bandes de caoutchouc se soudent et les fils sont ainsi gainés et enroulés au
fur et à mesure de leur fabrication sur de grosses bobines métalliques.
Un autre procédé
permet de réchauffer le caoutchouc, de le réduire à l'état pâteux et de
l'amener sous pression par une vis sans fin à une machine où, par extrusion, il
enrobe le fil conducteur qui lui est présenté par une filière.
La première phase
de la fabrication des câbles, s’effectue comme suit : plusieurs dizaines
de bobines de fil de cuivre se déroulent simultanément et leurs fils convergent
vers un point central où ils sont torsadés et ressortent sous forme de câble.
Selon leur
utilisation future et le besoin des commandes, ils formeront les torons de
câbles de dimensions différentes. Ils seront ensuite gainés de caoutchouc,
plomb, plastique ou coton, et parfois, armés de feuillard.
Pour le bobinage
des moteurs, on emploie des fils émaillés.
Le conducteur de
cuivre est recouvert, par trempages successifs, d'un vernis qui est séché dans
une tour chauffée.
C'est un travail
extrêmement délicat qui exige des soins particuliers et des contrôles
minutieux.
Un autre
département occupe à lui seul un tiers de la main d'œuvre de l'usine, c’est le
département d'assemblage de câbles utilisés par les constructeurs ou usines
d'assemblage d'automobiles. Les câbles sont découpés à longueur selon leur
utilisation et leur destination sur les voitures. Ils sont testés
soigneusement, leurs extrémités sont dénudées mécaniquement et serties
d'attache puis, toutes ces sections sont vérifiées sur un tableau-type qui
représente exactement l'emplacement qu'elles occupent dans une voiture (tableau
de bord, phares, etc.).
Ils sont alors
assemblés avec soin pour que lors de leur réception à la chaîne de montage automobile,
il ne reste plus qu'à les connecter aux différentes bornes et appareillages
électriques des voitures.
Un autre secteur de
l'usine fabrique des cordelières pour fers à repasser électriques. Un procédé
original permet d'empêcher la guipure de coton de glisser le long du fil, ce
qui en prolonge l'usage et augmente la sécurité de l'utilisateur. Depuis deux
ans, et après des essais difficiles et de longues recherches, La Seneffoise fit
démarrer une industrie unique en Belgique.
Au départ de
rouleaux de papier débité en lamelles de quelques millimètres, et utilisant des
métiers à filer anglais, l'usine fabrique des bobines de cordelles de papier
tordu de quelques centièmes de millimètre de diamètre.
Ces cordelles
servent d'isolant pour les câbles téléphoniques souterrains et devaient
antérieurement être importées d'Allemagne et de Suisse[1].
L’USINE CAMBIER
La Seneffoise a
absorbé, au début 1962, les établissements Cambier, de Manage, spécialisés dans
le tréfilage des fils machine. La production
cet établissement couvre en partie les besoins de la tréfilerie.
Avec de machines
venant de la Société Industrielle des Métaux de La Louvière, où il était occupé
en 1936, M .
Olivier Cambier s’est installé, en collaboration avec M. Roger Maurice, dans les dépendances
de l’ancienne usine Bruneau à Manage. Il continua seul à partir de 1940
jusqu’en 1959.Vers cette date, il fit ériger de nouveaux bâtiments au lieu-dit
« Saint-Nicolas », sur la chaussée de Mons, à Manage.
Cette société
occupait, au début de l’exploitation, une dizaine de personnes.
On y pratiquait le
tréfilage à froid de fil de cuivre, l’émaillage et l’enrobage de fils de cuivre
à l’émail ou au textile (coton, rayonne et nylon).
La fabrique cessa
ses activités en 1970[1].
SENECÂBLE
Les tréfileries « Senecâble » sont
une filiale des Usines à cuivre et à zinc de Liège depuis 1972,
LES CÂBLERIES DE DOUR
La société
« Câbleries de Dour »[1]
a pour origine une corderie, fondée à Dour au milieu du siècle dernier et dont les fabrications s'adressaient surtout
aux charbonnages. Cette société fusionna en 1977 avec les Câbleries « La
Seneffoise » et tréfileries associées « Senecâble » , en
association avec la Société franco-belge des laminoirs et tréfileries d'Anvers
« Lamitref ». Depuis sa fusion, la société a développé la plupart de
ses départements et notamment celui qui fabrique des faisceaux de câbles
électriques destinés à l'industrie automobile.
En 1969, la direction de l’usine était
composée comme suit :
Administrateur délégué – Directeur
général : M. Desgain
Directeur : R. Caucheteur
Ingénieur en chef : Ch. Bovy
Ingénieur adjoint : Ph. Collet
Ingénieur chef de fabrication fils et câbles:
G. Rega
Adjoint du département
« Teflon » : M. Martens
Chefs des départements équipements : J-M.
Stinghambler et V. Libert
Chef du département ficelles : de Halleux
Ingénieur du laboratoire : F. Glinne
Chef du contrôle : M. Leurquin
Chef du magasin « matières » :
P. Parisel[2]
Le 8 août 1978, un
incendie s’est déclaré dans un des magasins de l’usine, il a été rapidement
maîtrisé par les pompiers de La Louvière et de Charleroi, mais les
marchandises s’y trouvant ont été
détruites. A l’exception d’une extrudeuse à isolement spécial se trouvant à
proximité des flammes et qui a été mise hors service, le matériel de production
n’a pas souffert. Par manque d’électricité et pour permettre les déblais, une
partie du personnel a été mise en chômage pendant une semaine
En décembre 1982,
les Câbleries de Dour ont apporté leur département câbles spéciaux à leur
filiale, la Câblerie seneffoise (anciennement Seneffoise-Times)(capital : FB 50
millions), à Seneffe, spécialisée dans la fabrication de câbles de
télédistribution (licence Times Fiber Communications) en vue d’y développer la
fabrication de câbles à isolations spéciales ou à usages spéciaux tels que les
câbles résistant à de très hautes températures, les câbles pour l'industrie
aéronautique, l'informatique, électronique, etc.
La Câblerie
seneffoise, emploie alors 58 personnes[1].
Les produits sont
réalisés dans diverses sections de l’usine :
a)
Les fils et câbles isolés au
caoutchouc :
-
sous tresse textile
-
sous gaine extérieure en
caoutchouc
-
sous gaine extérieure
thermoplastique (PVC)
-
sous gaine de plomb
b)
Les fils et câbles isolés aux
matières thermoplastiques tels que câbles d’allumage pour automobiles, avions
c)
Les fils de bobinage en guipage de
coton
d)
Les câbles façonnés tels que
faisceaux de câbles pour l’auto, les câbles de batterie, etc.
ALCATEL
L’usine est passée sous le
contrôle d’ « ALCATEL Câble » en 1989.
En 1994, on pouvait lire :
« L'avenir du câble coaxial de télédistribution
redevenu souriant, son fabricant pour Alcatel table sur 1 milliard de chiffre
d'affaires en 1995.
La câblerie seneffoise se branche sur la téléphonie. Assise
sur 300 millions d'investissements et porteuse de produits nouveaux, la
câblerie seneffoise a repris espoir…les 300
millions investis au cours des cinq dernières années, s'ils veulent être suivis
d'autres enveloppes, doivent être justifiés aux yeux du géant français du
câble. À Seneffe, on s'y attelle. De 660 millions prévus en 1994, le chiffre
d'affaires devrait passer l'an prochain à 900 millions, voire à un milliard.
Les activités de Seneffe ont été
concentrées depuis la reprise par Alcatel Câble en 1989. Alors que d'aucuns
prévoyaient un avenir sombre aux câbles à conduction métallique avec
l'avènement de la fibre optique, les événements montrent que les premiers,
moins chers, ont conservé une place de choix sur le marché. Dans la foulée,
l'espoir s'est renourri parmi la centaine de personnes occupées à la Câblerie
seneffoise, un espoir dopé par les recherches en cours et les efforts accomplis
pour rester à la pointe du progrès.
Après la mise au point de techniques performantes
d'isolation, le lancement d'une ligne de production de câble aluminium par
extrusion de celui-ci, la fourniture de câbles de distribution déjà placé dans
le tube de pose ou encore la production de câbles de distribution avec
conducteur extérieur en cuivre lisse contrecollé, l'entreprise est ainsi en
train de développer un câble en aluminium très souple qui devrait être
commercialisé au début de l'an prochain. Enveloppé dans un tube de faible
épaisseur afin d'en faciliter le tirage, le produit répond à une demande liée à
la réalisation en souterrain de nombreux réseaux urbains, en Grande-Bretagne
notamment. »[2].
Vers 1980, la « S.A. des Usines à Cuivre et à Zinc » de Liège avait pris des
part de « Senecâble ». Son
carnet de commandes s'effeuille alors et de mauvais investissements sont
réalisés : le rachat des câbleries de Seneffe s'avère un investissement
désastreux.
COMMSCOPE
En 1998, le site
est vendu à la société « Commscope
Europe » qui continue la fabrication de câbles et fermera ses portes
en 2008.
Le 18 mars 2008 eut
lieu une interpellation au parlement wallon par Philippe Fontaine, Député
wallon, à Jean-Claude Marcourt, Ministre de l'Economie, de l'Emploi, du
Commerce extérieur et du Patrimoine, concernant la fermeture de l’usine
Commscope à Seneffe :
« Monsieur le
Ministre,
Nous apprenions la
semaine dernière qu’une menace de fermeture pesait sur l’usine de fabrication
et de distribution de câbles coaxiaux pour réseau à larges bandes. La direction
a en effet fait part au conseil d’entreprise de son intention de cesser ses
activités de production et de distribution sur le site de Seneffe et ce malgré
l’injection de 15 millions d’euros d’investissements sur le site.
Au moment de la
rédaction de cette question, les syndicats occupaient les locaux refusant de
croire aux déclarations de la direction d’une recherche de solutions pour
maintenir les activités et sauver certains emplois.
Mes questions sont les suivantes Monsieur le Ministre :
Mes questions sont les suivantes Monsieur le Ministre :
- Vous avez été
contacté par les syndicats en vue de chercher des solutions de reprise et de
conserver les emplois. Avez-vous des contacts avec soit la direction américaine
de Commscope soit des candidats repreneurs ?
La réponse du
Ministre Marcourt fut la suivante :
Monsieur le Député,
les activités de la câblerie de Seneffe, anciennement partie du Groupe Alcatel,
ont été reprises par le Groupe américain Commscope en 1998.
L'usine de Seneffe
est spécialisée dans le câble coaxial. Le groupe Commscope a apporté sa
technologie qui a permis d'accroître fortement la productivité de l'entreprise
et de rentabiliser les activités, antérieurement déficitaires.
En 2001 cependant,
suite à la crise boursière, ce marché a connu une forte diminution, avec un
impact important sur le chiffre d'affaires de l'entreprise, qui a chuté de 30
millions en 2000 à 24 millions en 2003. Peu à peu, la production de ce type de
câbles s'est délocalisée vers des pays à moindre coût, tels le Brésil et la
Chine. Depuis 2001, le site de Seneffe clôture chaque année son exercice en
perte.
Cette situation est
due d'une part à la réduction du marché, et d'autre part, plus récemment, à la
baisse du dollar, avec un impact négatif sur toutes les usines situées en zone
euro. L'intention du Groupe Commscope est de continuer à répondre aux commandes
européennes à partir de sites de production américains et anglais.
L'annonce de
l'intention de fermeture a mis les travailleurs en émoi, et ils ont dès lors
décidé d'occuper l'usine. Une réunion constructive entre direction et syndicats
est intervenue ce jeudi et a permis de rétablir le dialogue. Les organisations
syndicales ont accepté en conséquence de reprendre le travail »
115 ouvriers
travaillaient alors dans l’usine.
[2] F. ZONEMBERG, L’avenir du câble coaxial de
télédistribution redevenu souriant…, La câblerie seneffoise se branche sur la
téléphonie, dans Le Soir 6-10-1994
[1] Dans laquelle l'Union minière a racheté, fin 1974, la participation de
la Société de traction et d'électricité
[1] O. GENBAUFFE,
Manage et son histoire, Nivelles,
1985, p. 243. Mes remerciements s’adressent à M. Guy Symoens pour ces
informations.
[1] V.L. Appréciée à l’étranger, mais inconnue chez nous, la
câblerie « La Seneffoise », dans, le Journal de Charleroi, date
inconnue