dimanche 13 décembre 2020

EVOCATION DE LA DUCASSE DE FELUY EN 1889

 

EVOCATION DE LA DUCASSE DE FELUY EN 1889

Le journal de Nivelles « L’Aclot » du dimanche 11 août 1889, évoque la ducasse de Feluy qui était courue par les Nivellois :

 « La Kermesse de Feluy

S’il est une coutume qui soit restée vivace à Nivelles, c’est bien de se rendre chaque année, le premier lundi du mois d’août, à la kermesse de Feluy ; il n’est pas un Aclot digne de ce nom qui n’ait fait au moins une fois ce pèlerinage. Vers 5 heures, ce jour-là, la gare du Nord offre un spectacle curieux : elle est envahie par une foule bruyante et joyeuse, qui, à l’arrivée du train, remplit en un clin d’œil les quinze ou vingt voitures mises à sa disposition tout exprès pour la circonstance.

Et où va cette jeunesse dont les cris couvrent le bruit de fer du train qui l’emmène pour l’étranger qui s’y égarerait, à une kermesse de village bien insignifiante. Mieux avisés sont ceux qui font à pied cette jolie promenade, une des plus pittoresque des environs de Nivelles, par le Panier vert et par le bois d’Arpe ; les piétons s’arrangent presque toujours de venir rejoindre à la gare de Feluy-Arquennes les Aclots qui ont pris le train de cinq heures. Alors une longue file de couples et de familles entières s’en va par le chemin empierré longeant les carrières et les chantiers silencieux aujourd’hui à l’occasion de la kermesse et bientôt la  foule envahit la place du village ; un cirque, une friture, des chevaux de bois et quelques échoppes de marchands de pain d’épice et de caramels, voilà toute la foire ; en quelques minutes, on a tout vu, on se promène, on tourne longtemps dans le même cercle en se rencontrant cent fois, sans que personne semble se fatiguer de cette monotonie ; on voit de vieux Aclots, que rarement on rencontre sur la place Saint-Paul lors de la fête à Nivelles, rire et s’amuser longtemps des sottises et des grimaces d’un clown ; aussitôt la parade terminée, la baraque se remplit de Nivellois qui crient et s’interpellent sans se soucier beaucoup du spectacle. Puis, on se répand dans les cafés de la place, qui en prévision de la cohue, ont placés sur quelques chaises de longues planches rugueuses ; de temps en temps, l’une de ces planches se rompt sous la charge ou glisse de ses supports en précipitant par terre un grand nombre de consommateurs ; cela n’empêche pas ces derniers, aussitôt relevés, de recommencer à boire de la bière de Louvain dans ces petits verres sans pied dont on se sert chez nous, en guise de lampions, aux jours d’illuminations. Quelques-uns s’écartent de la place pour visiter en détail le village ; ils restent longtemps à examiner le vieux manoir féodal et la vaste nappe d’eau qui l’entoure, l’avant-corps qui forme l’entrée de cette demeure seigneuriale est surtout curieux à cause de ses tours ramenées aujourd’hui au niveau des toits ; on remarque l’écusson en pierre qui domine la porte principale et les retraites dans lesquelles se logeaient autrefois les poutres du pont-levis, plus loin, succédant à des habitations simples et proprettes aux fenêtres garnies de fleurs, s’élèvent les riches demeures, entourées de parcs, des maîtres de carrières ; ces constructions récentes, dont plusieurs ne manquent pas de cachet, donnent au village un air d’aisance qui manquent souvent aux autres communes industrielles.

Lorsque vient le soir, toute la jeunesse se rend au Petit scou, ou, dans une cour étroite et peu profonde au-dessus de laquelle est tendue une toile, on danse, où plutôt on s’écrase, jusqu’au moment de reprendre le train. A la gare, la cohue est plus grande encore qu’au départ ; cette année on a même jugé nécessaire de requérir des gendarmes pour maintenir la foule. Au moment où arrive le train, on se précipite, on perd ses compagnons de route, on s’appelle, les amoureux cherchent les voitures les moins éclairées ; les compartiments de première et de seconde classe sont envahis par les braves Aclots qui avaient guetté l’occasion et tout heureux, se prélassent sur les coussins ; enfin quand tout le monde est casé, le long train s’ébranle et en route pour Nivelles !

Et voilà la kermesse de Feluy ! Qui vous dira pourquoi elle a tant de vogue à Nivelles !

Comment expliquer pourquoi c’est seulement le lundi qu’on s’y rend, alors que la kermesse d’Arquennes, nous pourrons de nouveau le constater dans quelques semaines, n’attire les Aclots que le dimanche ? Pourquoi va-t-on à pied à Arquennes et par chemin de fer à Feluy, alors que les deux agglomérations sont bien près de se confondre ! C’est ainsi qu’on a toujours fait, nous répondra-t-on, et en cela somme en bien des choses, on se borne à suivre l’usage sans le discuter.