samedi 22 octobre 2016

La Platinerie Dupont


A PROPOS DE LA PLATINERIE DUPONT

                                                                                                                              Alain GRAUX


A l’occasion de la demande d’établissement d’une forge pour la fabrication des fers battus, à Feluy présentée  par François-Isidore Dupont, en 1810, plusieurs maîtres de forges formèrent une opposition motivée sur ce que le nombre de ces établissements était déjà considérable , que dans un rayon peu étendu il existait les forges suivantes : deux forges à Morlanwelz, une à Haine-Saint-Paul, une à Marchienne-au-Pont, une à Grogniaux, une à Aiseau, un fourneau à Hourpes et trois forges à Ways et Bousval. Les opposants faisaient observer que ces usines employaient du fer affiné ou mitraille, opération où le charbon de terre était employé, que les usines de Morlanwelz, Marchienne et Grogniaux traitaient le fer de fonte ; qu’enfin il y avait pénurie de bois et qu’il était généralement connu qu’une forge consommait annuellement le produit de 40 hectares de bois[1].

Malgré cette opposition, l’usine de François-Isidore Dupont[2] fut autorisée par un décret de l’empereur Napoléon en date du 13 mars 1810 :


«  Napoléon, Empereur des Français, etc.

Art.1.   Il est permis au sieur François-Ysidore Dupont, négociant, demeurant commune de Feluy, arrondissement de Jemappes, de construire une usine à battre et tirer le fer dans ladite commune de Feluy, sur un terrain qui lui appartient, entre la rivière de Samme  et le ruisseau du petit moulin.

2. Cette usine sera construite d’après les plans d’élévation et profils vérifiés et certifiés par l’ingénieur en chef des mines ; un duplicata de chacun desdits plans demeurera joint au présent décret.

3. Cette usine sera construite sur l’emplacement indiqué au plan géométrique-certifié par l’ingénieur en chef des ponts et chaussées, et dont un duplicata demeurera joint au présent décret.

4. Un bassin sera creusé à l’endroit marqué au dernier plan de la lettre P. Deux barrages seront établis aux emplacements marqués R.S. ; des digues seront élevées sur les bords du biais supérieur, pour soutenir les eaux et préserver les propriétés riveraines, nommément celle du sieur Dawanne (d’Awaigne) et Nicolas Capitti (Capitte), de toute inondation.

Trois vannes d’un mètre trente centimètres de largeur seront ménagées dans chacun des barrages marqués R.S. ; elles s’élèveront de fond.

La jauge de six vannes de retenue et de la vanne d’abée de l’usine est fixée à deux mètres au-dessus l’étiage de la Samme, à l’endroit marqué T, où cette rivière reçoit les eaux du petit moulin.

Cette jauge sera réparée au moyen d’une pierre de taille de trente centimètres de côté, et d’un mètre de queue engagée dans le corps du bâtiment principal de la nouvelle usine, de quatre-vingts centimètres environ , le dessus de ladite pierre sera mis d’affleurement avec le dessus des vannes d’abée et de retenue.

5. Les dédommagements qui pourraient être dûs aux propriétaires riverains seront réglés de gré à gré,  ou à dire d’experts, et payés par le sieur Dupont.

6. Il ne pourra être employé aux réparations de la chaufferie et l’étirage que des combustibles minéraux.

7. Ne pourra le propriétaire, en aucun tems et sous aucun prétexte, transformer cette usine, sans une nouvelle autorisation, sous peine d’encourir la suppression,  et de répondre des dommages que sa contravention pourrait avoir occasionnés.


8. Le sieur Dupont tiendra son usine en bon état, et se conformera, pour l’exploitation, aux lois et règlemens de police intervenus et à intervenir sur les mines et usines, et aux instructions qui lui seront données, à cet égard, par l’administration des mines ; il se conformera pareillement aux règlemens existans ou à intervenir sur la police des cours d’eau.

9. Il transmettra à l’administration des mines, tous les trois mois, des états certifiés des produits de son usine, et l’état des ouvriers y employés.

10. L’inexécution ou la contravention aux articles 2, 3, 4, 6 et 9, emporte de droit la déchéance de la présente autorisation, et ce, indépendamment des dommages et  intérêts s’il y a lieu.

11. Dans le cas où le gouvernement jugerait convenable de faire des dispositions pour l’avantage de la navigation, du commerce ou de l’industrie sur la rivière la Samme, et où les dispositions nécessiteraient le chômage et même la démolition entière de l’usine, le sieur Dupont sera tenu de le souffrir sans pouvoir réclamer aucune indemnité ni dédommagement, même en cas de démolition.

12. Notre ministre de l’Intérieur est chargé de l’exécution du présent décret. ».

L’usine comportait à ses débuts une forge et une platinerie[3].

F-I. Dupont savait que l’établissement des laminoirs exigeait une force motrice importante, or sa forge de Feluy-Arquennes n’ayant pas un cours d’eau assez fort, et le haut prix où étaient alors les machines à vapeur, et n’ayant pas les moyens de s’en offrir une, il résolut de trancher la difficulté en construisant lui-même la machine à vapeur nécessaire. Il employa à ce travail des ouvriers de la localité, fit fondre et forger les diverses pièces, et monta lui-même l’engin.

En 1830, F-I. Dupont, obtint du conseil communal de Feluy l’autorisation de changer la direction du chemin vers Bornival, vis-à-vis de son usine, située au hameau du Petit-Moulin, à charge se construire et d’entretenir un pont sur la Samme près de la Haute-Roquette ; les communes de Feluy et d’Arquennes payèrent chacune cent francs dans la construction de ce pont[4]

Un arrêté du 15 juin 1835 permit de donner une extension à cet établissement

Le fils d’Isidore Dupont, Emile Dupont[5], maître de forge à Fayt, reprit l’exploitation, l’usine comprenait vers 1840, quatre foyers de chaufferie, un four à réverbère[6] et sept martinets[7]-[8].

Illustration du martinet dans le cours de mécanique de Charles Delaunay, 1868
 En 1850, des inondations causèrent d’immenses dégâts, l’usine Dupont fut fortement touchée occasionnant pour 3.000 Fr de frais de remise en état[1].





Le Pont construit par F.I. Dupont et vestiges des vannes de retenue des eaux de la Samme pour alimenter son usine




[1] WARZEE A., Exposé  historique et statistique de l’industrie métallurgique dans le Hainaut, Mons 1861, p. 113
[2] Dupont François-Isidore, ° Seneffe 24- mars 1780, † Fayt-lez-Seneffe 25 avril 1838, x Haine-Saint-Paul 1802, Silez Christine-Charlotte
[3] François-Isidore Dupont avait eu l’intention d’établir deux hauts fourneaux à Seneffe ; mais sur  sa demande, l’arrêt de permission daté du 27 août 1837, fut rapporté par un autre arrêté du 11 mai 1840.
[4] STROOBANT C., Histoire de la commune de Feluy, p. 498, tiré des archives de la commune de Feluy.
[5] Dupont Emile,-Joseph, ° Fayt-lez-Seneffe 17 février 1809, y  † 3 avril 1875, x Namur 1808, Borgnet Pauline, ° Namur 17 octobre 1808
[6] Un four à réverbère est un four où la chaleur est réfléchie (réverbérée) par la voûte du four. Dans ce type de four, le combustible (charbon.) est brûlé dans une chambre différente de celle des matières traitées. Ainsi, on limite les interactions indésirables entre la combustion et les matières à traiter.
[7] Dans l'industrie, un martinet est une machine conçue pour utiliser l'énergie hydraulique aux travaux de forgeage]. Il est constitué d'un lourd marteau, qui vient tomber sur une enclume ou un tas. Le marteau est emmanché sur un levier oscillant autour d'un axe horizontal. Ce marteau est mis en mouvement par des cames portées par un arbre horizontal qui vient appuyer sur l'extrémité libre du levier à chaque tour de l'arbre, et le laisse retomber en se dégageant. L'arbre à cames est entraîné par une roue hydraulique verticale. Le fonctionnement est très irrégulier, aussi les cames sont-elles souvent insérées sur un arbre moteur très lourd ou entre deux volants. Pour augmenter le rythme de travail, l'amplitude de débattement du marteau est diminuée par des ressorts très rigides, une poutre en bois sur les plus anciens (gravure ci-dessous), puis des ressorts métalliques sur les modèles plus récents. Cela permet d'augmenter le nombre de cames. La vitesse de l'arbre est régulée par la variation du débit de la chute d'eau qui fait tourner la roue.

[8] WARZEE A, Exposé historique et statistique de l’industrie métallurgique dans le Hainaut, p.111, dans Mémoires et publications de la Société des Sciences, des Arts et des lettres du Hainaut, IIe série, t.8, 1862-1863
[9] STROOBANT C., Histoire de la commune de Feluy, p.577.

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