samedi 22 août 2015



UN POETE SURREALISTE ARQUENNAIS : PAUL COLINET


Paul Colinet, écrivain, poète et dessinateur, est né à Arquennes le 2 mai 1898, dans une famille qui exploitait la pierre.
Entre 1910 et 1912, il séjourne à Lierre, maitrisant ainsi le néerlandais.
Il rencontre en 1934 les surréalistes Magritte, Scutenaire  et Mesens[1].
En 1935, il participe à l’exposition surréaliste de La Louvière
Il édite entre autres en 1945, « Le ciel bleu »hebdomadaire littéraire pour tous » qui, par manque d’argent, fut abandonné après 9 parutions
Il collabore à "La terre n'est pas une vallée de larmes" puis, en 1946 et 1947, à la revue "Les deux sœurs" de Christian Dotremont, ainsi qu'à la revue "Les Quatre Vents".
En 1949, il dirige la publication de « Vendredi », les surréalistes Mariën, les frères, Dotremont, Chavée, Irène  Hamoir, y contribuent. Cent numéros manuscrits seront écrits.
Contrairement aux surréalistes en Hainaut, Paul Colinet ne s’engage pas sur le plan politique.
Paul Colinet décède à Forest le 23 décembre 1957

Bibliographie de Paul Colinet
Marie Trombonne, chapeau buse, poème mis en musique par Paul Magritte                      1936
Le chemin perdu, poèmes mis en musique par Henriette Harlez                                          1936
Les histoires de la lampe                                                                                                       1942
La nuit blanche                                                                                                                       1945
La maison de Vénose (en collaboration avec Marcel Piqueray)                                            1947
La bonne semence (en collaboration avec Marcel Piqueray)                                                1947
Ecriture                                                                                                                                   1947
Les naturels de l’esprit                                                                                                           1947
Quelques textes inédits (Préface de Louis Scutenaire)                                                         1952
La manivelle du château                                                                                                        1954

Après sa mort de nombreuses œuvres furent publiées
La lampe du valet de pique    (Préface de Louis Scutenaire)                                               1963
Le délégué de la Guadeloupe (en collaboration avec Marcel Piqueray)                               1964
Vilaine et Réséda                                                                                                                  1966
Les Tsiganes du paillasson                                                                                                   1970
Les écritures d’Octavion de Pleineboule                                                                               1971
Une carrière idéale                                                                                                                1975
La cantate (en collaboration avec Marcel Piqueray)                                                             1976
Les chanteurs de rue                                                                                                            1986    

                                                         



Voici en quels termes le « Dictionnaire des lettres françaises », de Robert Fricx et Raymond Trousson, parle de Paul Colinet :

HISTOIRES DE LA LAMPE (LES)
Recueil de poèmes de Paul Colinet (1898-1957), publié en 1942.
« Souvenirs brouillés de l’âge d’or » comme les définit Paul Colinet lui-même, les poèmes que les éditions Ça ira publient en 1942 sous le titre Histoires de la lampe pourraient s’inscrire (tout comme la vie du poète, par ailleurs paisible fonctionnaire communal) sous la conjonction des signes de la Terre et du Feu. De la mémoire et du jeu.
De son enfance, en effet amarrée aux collines du village d’Arquennes (Hainaut), Colinet scrute les ombres, explore les dédales et vide les coffres, comme d’un château étrange (« château d’osier », « château d’ailes », l’image – parfois suggérée –apparaît dans maints poèmes) où le temps se serait arrêté pour toujours « un beau jeudi de gel et de fille nue sur la paume du pays ». Car ce n’est pas innocemment que l’on devient l’ami de René et Paul Magritte, ni le compagnon de route – très indépendant : il n’en signera jamais les tracts – des surréalistes. La nostalgie tranquille du spirituel auteur de la Manivelle du château (1954) serait peu de chose sans le brouuillage délibéré qu’impose à ses souvenirs un singulier complot des mots qui bouleverse l’Histoire et s’ouvre à la fable.
Ainsi le pétillement de cette poésie tient précisément, en vertu des principes chers aux surréalistes, à l’abolition radicale de toute contradiction entre réel et imaginaire.
Paul Colinet invente ses souvenirs avec une généreuse fantaisie, également confiant  dans la bonté du monde et dans celle du verbe. L’ébranlement du sens que d’aucuns thématisent par la violence ou par le tragique se traduisent ici par la joyeuse absurdité des êtres et des choses dans un désordre savamment orchestré Colinet connaît l’art du portrait insolite (du « Grand poussiéreux » au « Vitrier des orfraies ») et si les vingt-sept invocations de sa « Litanie de la pluie » ou « le chapitre des Ciels » font de lui un maître de l’énumération poétique - un genre que priseront bon nombre de pataphysiciens – il excelle tout autant dans les courtes fables extravagantes dont quelques titres expriment à eux seuls la douce folie : « le jardin des décalcomanies », « la berceuse du Petit Benef » ou « Maison d’une Ursule calligraphiée ». Citons, dans cette veine farfelue, les récits de La nuit blanche  (1945) dont les perles verbales, les contresens délibérés et les clins d’œil donnent la mesure de la liberté imaginative de leur auteur. Rien d’étonnant, dès lors, à ce que l’adjectif « drolatique » - si expressif pour caractériser les nombreux dessins dont Colinet émaille ses recueils –advienne si souvent à la bouche de ce champion de « l’humour vert ». Créée pour un numéro spécial de la revue Phantomas dont il est un fervent collaborateur, cette dernière expression traduit à souhait l’optimisme foncier d’une inspiration que ne teinteront jamais ni mélancolie ni angoisse Fût-elle cruelle, son ironie elle-même ne procède jamais que d’une insolente intelligence du bonheur.
Que l’on ne s’y trompe pas pourtant, Colinet l’espiègle –Paul Merveille disait de lui Irène Hamoir – se révèle dans le même temps le plus minutieux des stylistes. S’il n’hésite pas, en effet, à se jouer de la complicité spontanée des mots – homophonies ou légères altérations vocaliques ou sémantiques (« Le rideau de la méduse », « La Bougainvieille ») -, Colinet –grand piocheur des dictionnaires comme son ami Louis Scutenaire – puise dans sa vaste érudition lexicale les mots rares qui donnent à ses images tantôt familières, tantôt secrètes et presqu’hermétiques (comme peuvent l’être quelques fois les jeux de l’enfant solitaire) une tonalité originale, élégante et impertinente  à la fois. Joyeux inventeur des mots, le poète répugne toutefois aux néologismes de la langue contemporaine, trop fonctionnels, leur préférant la saveur de vocables désuets (voire archaïques) ou la sonorité de trouvailles chatoyantes.
Cette passion  pour le verbe ne cesse, notons le, d’être mise à l’épreuve jusque dans l’expérimentation poétique en flamand ou en anglais : de lamp van de schuppenzot – la lampe du valet de pique – paraît en 1967, avec une traduction française d’evelyne  Deknop-Kornelis, tandis que Filchings for annoyed birds – Petits larcins pour oiseaux contrariés et To Jim Frater sont publiés respectivement en 1973 et 1978.
Indéniablement, Paul Colinet qui inaugura les « Poquettes volantes » du Daily-bul avec les poèmes de Vilaine et Réséda, eut beau donner dans cette collection La preuve par neuf de (s)on ignorance universelle, le fondateur de l’éphémère revue Ciel bleu et le poète du Grand double n’en demeure pas moins un guide sans pareil sur les « petits sentiers de la berlue »

Bibliographie
KINDS E., Portrait souvenir de Paul Colinet, dans Montagnet et Desgosses (Docteurs), Dictionnaire de médecine amusante, Bruxelles, 1971.
P. Colinet. Œuvres I et II (Préface de Louis Scutenaire), Bruxelles 1980 et 1986.



[1] Rassemblés autour du peintre René Magritte (1898-1967) et de Paul Nougé (1895-1967), les surréalistes bruxellois, où apparaissent notamment Camille Goemans (1900-1960), E. L. T. Mesens (1903-1971), Marcel Lecomte (1900-1966) et le musicien André Souris (1899-1970), développèrent leurs premières activités à partir de 1924 mais ne se constituèrent en groupe que vers 1927. C'est à cette époque que les rejoignit aussi Louis Scutenaire (1905-1987). D'autres vinrent encore par la suite, comme Paul Colinet (1898-1957) ou Marcel Mariën (1920-1993), auquel on doit aujourd'hui l'édition de nombreux textes et documents concernant ce mouvement (tel le gros volume, L'Activité surréaliste en Belgique, Bruxelles, 1979).