samedi 6 août 2016

MALFRATS SENEFFOIS SOUS LE REGIME FRANÇAIS



          R. DARQUENNE †

La lecture de l’excellent livre de Roger Darquenne « Brigands et larrons dans le département de Jemappes » nous a révélé l’histoire de larrons issus de notre région.
Le 19 thermidor an XIII (7 août 1803), la Cour criminelle règle le sort de treize prévenus qu’au moins quinze vols ou tentatives entre l’an IX et l’an XII. Ces délinquants presque tous domiciliés à Seneffe, dans les hameaux de Bel, Bois-des-Nauwe, « Bois d’Hanon » (Bois-d’Haine) recherchaient essentiellement des victuailles qu’ils se partageaient. Ils revendaient le surplus ou cachaient une partie dans les champs de « pecqueriaux » ou genêts aujourd’hui disparus du paysage.
Selon les opportunités, ils enlevaient un peu de linge, parfois une montre, ou de la vaisselle en étain. Ils emportaient surtout des céréales (seigle, froment, orge), exceptionnellement des féveroles, du houblon ou du tabac. Viande de porc salée, saindoux, très peu de viande bovine, fromages mous appelés « boissetias » ou fromage de bon lait, beurre conservé  dans des pots en grès, genièvre en bouteilles ou en cruches, quelques flacons de vin faisaient leur affaire.
A la lueur de leurs rapines, on discerne la qualité des pains consommés par la population : bien plus de pain de seigle ou de méteil (froment et seigle) que de pain de froment dit de ménage (pain gris). Le « pain de boulanger » (pain blanc) est exceptionnel. Comme les vols ont lieu à la belle saison, spécialement lors des nuits de dédicaces où les gens s’amusent à l’extérieur ou sont abrutis de boisson, les voleurs se régalent à l’occasion de quelque « tourtes » (tartes).
Ces délinquants sont appelés des « voleurs de campagnes ». Ils s’en prennent  sans violence à des gens plus aisés, susceptibles de détenir des réserves de vivres : fermiers de Seneffe, de Petit-Roeulx-lez Nivelles, et même du faubourg de Mons à Nivelles, chez Grégoire Mercier, à l’enseigne du Cheval Blanc. Ils volent aussi chez le meunier Adrien Gaudy, de Chapelle-lez-Herlaimont où, sans doute renseignés par Thomas Vincentius, Chapellois de naissance, ils pénètrent par le trou de l’arbre du moulin à eau dans deux maisons de Rosseignies, chez un marchand de sel et chez le prêtre Gohy appelé le chanoine de Rosseignies, un voisin du fermier Jaucot qui, occupé à bâtir, avait entreposé des provisions dans la cave du religieux. Le cabaretier Adrien Derbaix, d’Obaix , Jean-François Lutte, brasseur de bière à Luttre ; Pierre Colinet, garde forestier au « Triage d’Obaix » mais domicilié à Bois-des-Nauwes, à Seneffe, reçoivent aussi leur visite. On les suspecte d’avoir rapiné jusqu’à Petit-Enghien mais le fait n’a pas été retenu. En revanche, ils n’hésitent pas à étendre leur rayon d’action jusqu’à Gosselies où ils visitent la maison d’Alexandrine Quairet, boutiquière à l’enseigne du Gros Chapelet.

Leur tactique est assez stéréotypée. Caves et toiture ont leur préférence pour violer les domiciles. Le mortier utilisé à l’époque étant de mauvaise qualité, ils passent souvent par les soupiraux aux barreaux mal scellés en perçant un trou dans un mur. Le bris d’une fenêtre est exceptionnel. Une fois dans la cave aux provisions, ils s’éclairent à la paille flambée au moyen d’allumettes à tige de chanvre soufrées. A l’époque les toits de chaume sont la généralité car les tuiles ou ardoises sont trop chères. Sans doute, faute de lits, les gens dorment encore sur la paille ou le foin des greniers qu’ils escaladent chaque soir par une échelle posée contre un mur et laissée sur place ou à proximité. Les truands atteignent donc aisément  les toitures, y découpent sans peine un orifice pour se glisser à l’intérieur.

Après trois ans d’activité, la bande de Seneffe se fait prendre. Le 9 thermidor an XIII (7 août 1805), sous la présidence de Foncez assisté des juges Fonson et Jean-Baptiste Willems, la Cour de justice criminelle est appelée à se prononcer sur douze des treize accusés. Encore une fois plusieurs membres d’une même famille sont impliqués.
Philippe-Joseph Faverly, 54 ans, a entrainé dans l’aventure son fils Louis-Joseph, un cloutier de douze ans, sa fille Françoise-Joseph, fileuse, âgée de 17 ans et son beau-frère François Taminiaux, dit Pileau, un briquetier de 38 ans. Sont encore incriminés : Jean-Baptiste Parmentier, dit Long pierrot, 49 ans, journalier ; François Laurent, dit Deffe, 30 ans, cloutier ; Nicolas-Joseph Mottequin, dit Coleau Monkinne ou Mottequinne, 34 ans, journalier ; Joachim-Joseph Navez, dit Joasse ou Josse, 35 ans, tailleur de pierres ; Charles Cordier, dit Latour ou Taloure, 35 ans, cloutier ; Adrien Pilette, dit Sautière, 40 ans, laboureur ; Thomas Vincentius, dit Prague, 50 ans, couvreur de pailles ; Nicolas Rochez, 35 ans, marchand de cendrez. Tous sont nés dans la région et habitent Seneffe sauf Mottequin et Rochez qui résident respectivement à Arquennes et Godarville.
Faverly père, Parmentier, Laurent et Mottequin sont condamnés à seize ans de fers. Tous les autres écopent de quatorze ans de fers, sauf les enfants Faverly acquittés pour avoir agi sans discernement mais envoyés en maison de correction respectivement jusqu’à 18 ans pour le fils et 20 ans pour la fille.

Le 15 frimaire an XIV (6 décembre 1805), quatre jours après Austerlitz, François Colinet, « latitant » (faisant défaut) est condamné par contumace à seize ans de fers et aux frais du procès.
Ces jugements mettent un terme aux méfaits de la bande de Seneffe.






Condamné aux fers