lundi 27 juin 2022

LA FERME DU WESPRIN A FELUY

 LA FERME DU WESPRIN A FELUY

   Alain GRAUX

 

La ferme du Wesprin, une des plus anciennes connues de Feluy, est aussi appelée ferme des Ricolettes.

 On trouve peu de textes parlant du Wesprin à ses débuts. On ne trouve que des textes parlant des terres touchant au Wesprin et donnant ainsi quelques précisions sur ses propriétaires.

La première mention connue du Wesprin date du 5 septembre 1279. Le Vesprin (Wesprin) est cité lors d'un arrangement entre l'abbaye Saint-Feuillien et1'abbaye de Bonne Espérance au sujet de terrains à mettre en culture « toutes terres seront à commun dîmage sauf cinq bonniers réservés en totalité à l’abbaye de Bonne-Espérance et au curé de Feluy si le vivier du Wesprin est mis en culture… »[1]

En 1421, on cite « …Le dict Michaulx Lambinet de Feluy 'vend au dict collart le Chien ossy demorant à Feluy pour la somme de 100 Livres tourn. un petit pret gisant emprès le Wesprin »

Le 11 novembre 1444, on trouve « …en une autre pièce trois bonniers de terre gisant derrière la prairie des chevaulx de la ditte Maison de Croncul, desoubz le fournil tenant as terres de la Maison dou Wesprin et tenant de deux cens as onze bonniers de la ditte maison de Croncul… »

 En 1480, un chirographe du greffe scabinal de Feluy cite « …et Ernoul Franckart demorant au Wesprin… »

La famille Frankart (Franquart) tiendra la ferme du Wesprin jusqu’au XVIIe siècle.

 En 1482 Tassart Descamps vend à Jehan de Lenselle, mayeur de la seigneurie de l’Escaille un demi bonnier de terre labourable emprès le Wesprin

 Le 3 juillet 1488, Tassart Gillon vend à Hannot Franquart demorant au Wesprin «  demy journel de pasturaige gisant à le Haye au Fau tenant de trois costés aux héritaiges du Wesprin »

Le 26 août' 1492. Comparut Nicolle-Gillion curé d’Arquennes etJehan Frankart laboureur au Wesprin  au sujet de rentes dues à l’église Saint-Feuillien sur des terres gisant à Feluy.

En 1501, on cite Jehan Frankart du Wesprin, L’année suivante, Arnoul Maissette demeurant  à Feluy donne à rente à Henry Goffe « ung bonnier de pasturaige gisant au lieu condist le Wesprin pour trois vibvres six solz de rente annuelle »

 En 1522, Guillaume Frankart, fils de Jackemart Frankart lui succède comme l’atteste un texte du 16 janvier 1590, parlant de Remy Moreau (son petit-fils)

 En 1528. Gertrude Le Clercq, veuve Jacquemart Franquart du Wesprin et Jacquemart Frankart son fils «  remonstrent comment au traicté de mariage dudit Jacquemart Francquart avec Anne Hanicq fille de feu Anthoine Hanicq qu'il délaissa de Isabeau Descamps, il avoit esté dist et escript que le dict Jacquemart Francquart estoit de présent  héritier joyssant et possessant, la maison, chambre, édifices, granges, estables, etc.., du Wesprin sauf en ce que la dicte Gertrude la Clercq, sa mère joyssoit de la moictié sa vie durant seulement.

Ainsy estoit ledit Jasqt  Franquart héritier sauf le viage de sa ditte mère de huit parties, les deux en pluisieurs héritaiges de mainferme gisant sous les Seigneuries de Feluy et de l’Escaille, le-dict Jacquemart par amour fraternel promet de s'en déshériter au prouffit de Guillaume Franquart, son frère comme de ses quattre sœurs cy après dénommées pour pouvoir joyr après le trespas de leur ditte mère.

Gertrude le Clercq se déshérite de tout ce qui provient du patrimoine de son feu marit sauf de son viage en faveur de Guillaume Franquart, son fils, de Jehan de Court. marit de Jehenne Franquart, de Noulart des Pierres marit de catherine Franquart, de Jehan des Champs, marit de Barbe Franquart et de Michel des Bailles ayant espouzé Isabeau Franquart. Les dits Gertrude Le clercq et Jacquemart Franquart renonchent bien et suffisamment à tous leurs biens et les lieutenant de mayeur et eschevins en adhéritent pour eulx et leurs hoirs, Guillaume Franquart, Noulart des Pierres, Jehan des Champs et Michel des Bailles »

 Le 23 décembre 1546, Jacquemart de Fer vend à Jacquemart Franquart du Wesprin un bonnier et demi de pré gisant au Wesprin.

 Le 11 novembre 1565, on cite.. « ... Premier trois journ. de pretz ou environ, gisant au Pont du Wesprin ten. au chemin ven. du bois de Haurœulx à Feluy... Item six journ. de pasturaige ou environ ten à la court de la censse du Wesprin aussi au chemin ven. de la censse du Clerbois à Felluy et au pasturaige dudit Wesprin »

 1586. Remy Moreau et sa tante Catherine Franquart doivent une rente au nom de Guillaume Franquart du Wesprin dit Grand Peyne, « sur deux bonniers et demy journels de terre emprès le buisson Lagache  qui fu à Jan Franquart... »

 En 1589, Remy Moreau, venant d’Eustace son père, paravant Guillaume Franquart du Wesprin, son grand père, doit « sur ung predt gisant à la fontaine au Wesprin qui fut à Guillae Le Heez, 4 livres 12 sols »

 Le 28 février 1625, le seigneur de la Rocq, Grégoire du Parcq, mourut. Dans le relief effectué pour sa fille Isabelle, on dit qu’elle possédait une rente due sur 24 bonniers d’héritage de la cense d’Antoine Franquart au Wesprin.

Le seigneur de La Rocq possédait à Feluy une rente féodale de 16 florins sur le Wesprin et un fief d’un demi-bonnier de pré.

 Le 23 août 1657, Jeanne Faulconnier, veuve Antoine Franquart achète pour elle et ses hoirs, une rente que doit « la veuve et hoirs Leleu, sur sa maison, jardin, payschys gisant audit Feluy proche le Wesprin, contenant demy bonnier tenant à Antoine Lisse, aux hoirs Sébastien Gaudré, au chemin allant duit Feluy au Clerbois et à Jean Surin »



[1] Copie du XVIIe siècle. Séminaire de Bonne-espérance, t. XVIII, f°73, v°

En 1661, Marie Wauquet, veuve Nicolas de Ronquières, d’Estinnes, vend une maison à Philippe Derbaix, censier du Wesprin, et ce, au profit des enfants de feu Jean Hayne et d’Antoinette Del Moictié, c’est-à dire de Jean, Jenne, Gertrude et Marie Barbe Hayne

 Jean Taminiau est le censier locataire du Wesprin en 1680

 Comme dans toute la région, les guerres de Louis XIV ne firent que des dégâts[1].

Le 10 août 1689, l’armée hollandaise fourragea les campagnes du Wesprin

Le 3 juin 1693, le censier du Petit Courrière eut son cheval tué sous lui, les fermiers de l’Escaille et du Wesprin indemnisèrent cet homme courageux en lui donnant 35 écus.

Le 6 septembre 1693, une troupe bleue vint enlever les chevaux et les vaches du Wesprin

Le 8 septembre 1695, une troupe de fantassins vint causer des désordres au Wesprin. Elle fut repoussée par des habitants armés.

 A la fin du XVIIe siècle le Wesprin appartient à Marie-Cécile Derbaix

En 1696, Louis Delrue a nanti dans les mains de Nicolas de Mons, mayeur de Feluy 240 livres pour les capitaux d’une rente de 15 livres qu’il doit à Marie-Cécile Derbaix sur ses propriétés du Wesprin.

En 1697, Jean Gaudré vend à Marie-Cécile Derbaix, sa belle-fille, une rente de 15 livres sur la maison, étables, terres dites le Wesprin

 La ferme et 7 ha de prairies du Wesprin furent vendus à Nicolas Marcq, par acte passé devant les échevins de Rebecq le 22 mai 1726.

 Le 26 octobre 1809, par succession le bien passa à ses neveux et nièces de Nicolas Marcq, Ces héritiers sont[2] :

Herman Joseph Capitte, propriétaire à Feluy;

Marie Thérèse Ghislaine Capitte épouse Jean Baptiste Rommel, rentier à Bruxelles;

Marie Albertine Ghislaine Capitte épouse Jean Baptiste Boisacq, rentier à Malines;

Nicolas Joseph Capitte, marchand de pierre de Feluy en son nom et comme tuteur de Marie Elisabeth Dumont, mineure, (héritière par sa mère Alexandrine Marcq qui était ia nièce du défunt) par délibération des parents et Juge de paix, de Jacques Delattre, journalier domicilié à Feluy; de Marie-Claire Delattre veuve de Pierre Bourret de Feluy et de Augustine Joseph Delattre veuve de Joseph Léonard, de Feluy.

Le notaire fit alors l'inventaire des biens :

Composition de la maison: Cuisine" vue sur le jardin; laverie, grenier, au dessus de la laverie, petit cabinet





[1] STROOBANT C. Histoire de la commune de Feluy

[2] A.E.M. Enr. 50A/3.


                                                    Photos d’une cheminée intérieure (1982)

 Rez-de-chaussée communiquant avec la chambre du défunt; cave, chambre Jacques Delattre au dessus, cuisine, grenier au dessus de cette place;

Fournil au bout du jardin, cave du fournil;

Etable attenant à l'écurie,

Place dite brasserie contigüe aux étables;

Ecurie attenant au corps de logis;

Charty sur la prairie, grenier du Charty, grange, étable aux cochons attenante à la grange;

Charty attenant à la grange, greniers au dessus des chevaux et au dessus des vaches.

Cour.

Fabrique de pannes et carreaux en ladite commune;

Hangar à sécher les carreaux attenant à l’ouvroir. Cour de ladite fabrique.

Foumil attenant au corps de logis; salle au rez-de-chaussée prenant vue sur la cour et jardin où ledit Marcq est décédé, grenier au dessus de la maison.

Ancienne chambre a coucher du défunt au premier. La grange est composée de 5 maffes (gerbiers).

Dans la fabrique de pannes et carreaux on trouve entre autres: 3 bancs à fabriquer, un banc à séchoir, un moule pour grands carreaux, un pour petit, un pour pannes, un pour « festiaux », un « étot » à fabriquer ainsi qu'une roue a tourner la poterie. Dans le hangar à sécher les carreaux, dix « lambordes » pour sécher, une brouette, vingt perches à sécher. 

Dans la cour de la fabrique: 6000 petits carreaux cuits.- 2600 plus grands.- 3000 pannes.

Dans le hangar: 9000 petits carreaux non cuits.- 2600 plus grands.- 3000 pannes.

Dans le hangar: 9000 petits carreaux non cuits, 300 grands non cuits.

Dans le fournil corps de logis: 1900 pannes non cuites.

Grenier au dessus de l’ouvroir: 30 sacs de braisettes pour la cuisson des carreaux.

Cour: 4 monceaux de gros bois, 4 de ronds, 1500 ramettes.-

 Le 13 novembre 1809 tout est mis en vente publique. Le bétail semble correspondre à l'inventaire. Le montant total des enchères s'élève à1559, 66 Frs. Fait et adjugé et clos en la mortuaire au Wesprin en présence de Jacques Remiens, brasseur, et de Célestin Tamineaux, cultivateur, tous deux de Feluy, témoins.

Le tout est acheté par Godefroid Adrien Frize, juge de Paix du canton de Seneffe et Augustin Joseph Frize, son frère. L’héritage du Wesprin que les sieurs Frize ont acquis des héritiers de feu Nicolas Marcq fut réalisé devant Maître Clément Joseph Delbruyère à Charleroi, par jugement du Tribunal de première instance de Charleroi le 26 octobre 1810.

Le 23 mars 1811, André Englebin, cultivateur a Ecaussinnes d'Enghien et Marie Thérèse Pouillart son épouse louent le Wesprin par bail à ferme pour 9 années (commencée le 1er mars). Les frères Frize se réservent l'occupation de plusieurs pièces et notamment celle appelée "laboratoire".

 Le 24 juin 1812. Herman Joseph Capitte propriétaire à Feluy, agissant en son nom et pour d'autres héritiers, notamment Nicolas Joseph Capitte, marchand de pierre, pour lui et comme tuteur d'Élisabeth Dumont donne main levée pour inscription à leur profit contre Godefroid et Adrien Frize de Feluy pour sûreté d'une créance de 15.000 frs (procès-verbal d'adjudication) sur le premier lot composé d'une Ferme dite Wesprin avec 7H 50 a de jardin, houblonnière et prairies, terres arables à Feluy tenant au chemin qui conduit de Feluy à Ronquières de deux côtés, au chemin qui conduit au Bois d’Horrues, et à Nicolas Capitte.

Le 6 octobre 1818, les frères Frize renouvellent le bail à André Englebin et son épouse Marie-Thérèse Pouillart.

 Il est probable que Sylvie Huet, propriétaire à Bruxelles, soit devenue héritière des Frize, et donc, du Wesprin. En 1862, elle renouvelle le bail des époux Englebin-Pouillart.

Le 21 août 1869, un incendie se déclara dans la grange de la ferme, alors occupée par la veuve André Englebien.

 En 1873, c’est le notaire Florent Castelain, de Seneffe, qui devient propriétaire de la ferme. Le 23 mars 1873, il fit réaliser un projet de drainage d’un terrain de 3ha 44a pour la somme de 980 Fr. 52 cts.

La ferme passa ensuite aux mains du curé d’Ittre, Théodore Tricot. Il en fit don au Bureau de Bienfaisance de Bornival, qui avec la fusion des communes passa au C.P.A.S. de Nivelles.

La famille Guillaume a tenu la ferme du C.P.A.S. pendant près d’un siècle.

Pendant la période révolutionnaire française, les Guillaume habitaient une maison au centre de Feluy, elle accueillit des Récollets de Nivelles pourchassés par les révolutionnaires. Les  Pères récollets y célébraient la messe en cachette, d’où le sobriquet attaché à la famille Guillaume et qui se porta sur le Wesprin « Cince dou Ricolette ».

D’abord Jules Guillaume[1],

René Guillaume[2] fut fermier du Wesprin, et à sa suite, son beau-fils Marcel Druet[3]. Ce seront les derniers fermiers du Wesprin.

C’est le notaire Jean-Marie Debouche qui racheta le Wesprin, il en fit la restauration, actuellement c’est son fils, le notaire Gérard Debouche, qui en est propriétaire.





[1] Guillaume Jules, ° Feluy  8-3-1843, x 26-5-1873, Ghislain N.N.

[2] Guillaume René, ° Feluy 17-2-1878, x Lory Blanche, ° Monstreux 13-11-1884

[3] Druet Marcel-Louis-Charles-Ghislain, ° Bornival 12-11-1916, †Feluy 2-9-1979, x Feluy 9-2-1946, Guillaume Lucienne-Julie-Léonie-*Ghislaine, ° Feluy 10-1918.