Emile Valenne passionné de l’histoire d’Arquennes nous a laissé quelques
notes retraçant la vie de quelques personnalités issues du village d’Arquennes
NICOLAS-JOSEPH DUBOIS
Le 5 mai 1760,
naissait à Arquennes, Nicolas-Joseph Dubois, fils de Jacques Dubois, maître de
carrière, et de Marie Barbe Delferrière, son épouse.
Dès son jeune âge,
Nicolas Dubois manifesta de très bonnes dispositions pour la sculpture. Ayant
reçu dans les ateliers de son père les premières notions de dessin et sachant
travailler la pierre bleue convenablement, Nicolas se perfectionna dans son art
de prédilection, d’abord en suivant les cours du soirs de l’académie de
dessin et de modelage de Nivelles, puis en
se rendant à Bruxelles, dans un atelier de sculpture dans lequel se pratiquait
exclusivement le travail des statues en pierre. Ensuite, âgé de 22 ans, il se
rendit à Paris pour y travailler la pierre blanche de France.
Son père, Jacques
Dubois, décéda à Arquennes le 28 janvier 1775, et à la mort de sa mère survenue
le 12 juillet 1794, Nicolas Dubois revint à Arquennes pour y continuer
l’exploitation de la carrière de ses parents. Tout en assurant la direction de
l’exploitation de la pierre, il continua à exercer son métier de sculpteur et
il produisit quelques belles œuvres, entre autres plusieurs statues pour les
religieuses du chapitre de Sainte Gertrude de Nivelles ; de même que les
lions ornant l’entrée du château de Seneffe,
etc.
Mais ce métier de
sculpteur, quoique très honorable, était trop modeste pour l’activité qui le
caractérisait, il voulut ajouter son nom à la liste des maîtres de carrières
d’Arquennes, dont certains s’étaient déjà distingués au cours des siècles
précédents, ainsi qu’en attestent les pierres fournies par les Lenglez, pour la
cathédrale Saint Bavon à Gand, celles de la chapelle Notre-Dame de Bon Conseil,
le monument de la famille del Fontaine devant l’église, de même que les
magnifiques pierres tombales sculptées que nous voyons encore à l’intérieur et
au dehors de l’église.
Ses commencements
furent très modestes, car sa bourse ainsi que celles de ses émules, ne lui
permettaient pas de faire de grandes entreprises.
Le 11 mars 1799,
Nicolas Dubois épousa à Seneffe, Françoise Moreau, fille de François et de Anne
Dominique Surquin.
Aussitôt qu’il fut
débarrassé des premières entraves que le manque de fonds apportait à son
activité, il se fit par ses talents une réputation si brillante que les plans
des architectes les plus connus et les plus suivis, affluaient dans ses ateliers.
Une des premières
institutions qu’il fit, fut un atelier d’apprentissage qu’il dirigeait
lui-même, avec un excellent ouvrier nommé Bataille. Bientôt quelques jeunes
ouvriers formés à cette école l’aidèrent dans ses entreprises. Il existait
encore à cette époque un préjugé qui soutenait qu’on ne pouvait ciseler la
pierre bleue comme on le faisait pour la pierre blanche de France. La grande et
unique préoccupation de Dubois fut de trouver le moyen de donner aux gros
ciseaux employés depuis toujours par nos tailleurs de pierre une trempe
permettant tout en réduisant l’épaisseur des ciseaux et autres outils, de
pouvoir faire dans la pierre bleue, cette belle, droite et fine ciselure que
nous admirons et que l’on continue toujours à pratiquer.
Pour obtenir ce
résultat, Nicolas Dubois fut puissamment secondé par un de ses amis d’enfance
nommé Philippe Colinet, maréchal-ferrant, habitué à réparer les outils des
tailleurs de pierre. Guidé par les conseils de Dubois et Colinet, on arriva à
trouver une trempe des outils leur permettant de travailler la pierre
d’Arquennes aussi facilement que la pierre blanche, et d’exécuter toutes les
moulures et les sculptures désirées.
Depuis lors le
préjugé fut aboli et la pierre de France fut détrônée.
Doué d’une activité
sans égale, N. Dubois donnait à ses ouvriers des règles aussi simples
qu’efficaces pour apporter dans la confection des ouvrages qu’il leur
demandait, cette précision et cette élégance de taille, qui porta pendant
trente ans dans toute la Belgique, la réputation des carrières d’Arquennes.
Jaloux de l’honneur
de cette réputation jusqu’à l’oubli de ses intérêts, on le vit quelques fois
s’armer d’un gros marteau de rocteur et briser sous les yeux de l’ouvrier la
pierre dont le travail n’avait pas été soigné.
Généreux, libéral
et connaissant à fond son industrie, il faisait ses affaires en faisant aussi
celle de ses ouvriers qui n’avaient jamais été aussi bien payés pour leur
travail.
Il est curieux de
constater combien d’ouvriers tailleurs de pierre, venant de Feluy, de Marche et
même des Ecaussinnes, vinrent se fixer à Arquennes pendant cette période de
transformation du travail de la pierre dans les ateliers de Nicolas Dubois. La
population du village qui en 1785 était de 1172 âmes, était passée à 1528 en
1800.
Hardi,
entreprenant, ses amis le taxaient quelques fois d’imprudent, en le voyant
s’engager dans des travaux, semblait-il, au dessus de ses forces. Il était à ce
point identifié avec sa profession, qu’il apercevait d’un coup d’œil, les
facilités, les avantages et les bénéfices de l’entreprise la plus compliquée et
la plus importante.
Les pierres des
grands bassins du port d’Anvers, création de Napoléon 1er, furent
livrées par lui, et ce fut le fondement de cette fortune qu’il acquit par la
suite et qui paya si largement son intelligence et son activité.
Une série de grands
ouvrages le tint en haleine jusqu’à la fin de ses jours, entre autres l’Hôtel
des Monnaies à Bruxelles : l’aile gauche du palais des Etats
généraux ; le palais de Tervueren ;
Nicolas-Joseph
Dubois décéda le 17 mai 1825, unanimement regretté de tous ses concitoyens,
laissant deux fils, Joseph qui fut bourgmestre d’Arquennes de 1825 à 1848, et
Jean-Baptiste, lesquels continuèrent cette industrie de la pierre qui avait été
complètement renouvelée par leur père.
REMY BAyot
Rémy Bayot, fils d’Auguste et de Stéphanie Paternotte, né à Arquennes le
31 mai 1846, étudia la musique sans le secours d’aucun maître. Il débuta dans
la fanfare « Les Echos des carrières
d’Arquennes » en battant la grosse caisse. Il étudiait le petit bugle,
dont il fit son instrument favori.
Ses dispositions musicales l’engagèrent à étudier la composition. Il fut
remarqué par M. Panne, chef de musique des carabiniers, qui le fit admettre en
1889 au conservatoire royal de Bruxelles où il devint bientôt l’un des
meilleurs élèves de la classe d’harmonie, dirigée par M.
Charles Bosselet.
M. Panne lui donna
en même temps des leçons d’instrumentation et d’orchestration. Malheureusement
la mort de son père le força d’abandonner le conservatoire pour reprendre les
affaires de sa famille, mais Rémy Bayot n’abandonna pas ses chères études et en
1871, il fut nommé directeur de la société chorale de Feluy. Il se révéla
bientôt comme un chef de grande valeur et dès ce moment les principales
sociétés musicales de la région se disputèrent l’honneur de posséder le jeune
maître à leur fête.
Il fut
successivement nommé directeur de la fanfare « Les Echos des carrières
d’Arquennes », du Cercle musical de Feluy, des « Fanfares de
Ronquières », des « Amis de la Liberté » d’Ittre, de l’Harmonie
de Feluy, de la fanfare « Les Travailleurs réunis » à Ittre et des
« Fanfares de Lillois »
En même temps que
directeur de mérite, M. Bayot se fit remarquer comme compositeur de talent et il est
bien peu de sociétés musicales en Belgique et en France qui n’aient
exécuté quelques unes de ses œuvres.
Rémy Bayot a pris
part à de nombreux concours de composition tant en Belgique qu’à l’étranger et
partout ses œuvres ont été classées en première ligne. Parmi ses principaux
succès nous citerons le grand prix d’honneur qu’il obtint au concours de théorie de l’académie du Hainaut et le
grand prix d’honneur qu’il remporta au concours spécial de l’académie Lamartine
avec une fantaisie pour harmonies et fanfares, sur un sujet imposé.
Membre d’un grand
nombre d’académies et de sociétés savantes de Belgique, de France, d’Italie, de
Suisse et d’Espagne, M. Bayot a été créé Chevalier de l’Ordre royal de
Sainte-Catherine du Mont Sinaï[1].
LES FRÈRES SIBBRECHT
Nous évoquerons ici
le peintre Jean et son frère Gérard Sibbrecht, sculpteur
Pendant les guerres
de religion du XVIe siècle, le village
de Baulers qui avait été incendié en 1588 fut presque entièrement abandonné par
les quelques habitants qui y résidaient encore. Parmi ceux-ci se trouvait
Nicolas Sibbrecht, époux de Rosine Le Geve, fille du seigneur de Baulers et
sœur de Marguerite, mariée à Jean Hanicq, maître de carrière à Arquennes. Sa
femme étant décédée et n’ayant qu’une fille nommée Anne, Nicolas Sibbrecht vint
à Arquennes et le 4 juin 1599, loua devant les échevins d’Arquennes, les
bâtiments de l’ancien hôpital[2].
En 1601, il épousa
en secondes noces Marguerite Hanicq, fille d’Antoine et de Jeanne Nopère. De ce
second mariage naquirent trois enfants ; Jean, Gérard et Marguerite.
Peu après son
mariage et après la mort de Jeanne Nopère, veuve d’Antoine Hanicq, Nicolas
Sibbrecht habita la maison héritée de ses beaux-parents[3],
sur la place d’Arquennes dite l’hostellerie de l’Ange. C’est dans cette maison
que sont nés les deux frères Sibbrecht, Jean en 1601 et Gérard en 1604.
Devenus adultes,
ils embrassèrent la profession de tailleurs de pierre dans les chantiers de
leur oncle Jean Hanicq. Celui-ci en plus du maniement des outils, leur donna
les premières notions de dessin.
Jean Sibbrecht
Jean, montrant de belles dispositions pour la peinture, abandonna le
métier de tailleur de pierre pour s’adonner à son art de prédilection dans
lequel il se fit bientôt un renom.
A cette époque, vers 1650, il existait également sur la grand place d’Arquennes
une très jolie habitation de style espagnol, précédée d’un beau jardin
d’agrément, c’était la demeure de la famille Lenglez du chastel. Jean Lenglez,
seigneur du Chastel était le bailli du comte Gérard de Hornes, seigneur d’Arquennes.
Un de ses fils, nommé Michel, entra dans l’Ordre des Frères mineurs, Récollets
de Saint-François, à Namur. Ami d’enfance de Jean Sibbrecht et connaissant le
talent de peintre paysagiste de son camarade de jeux, pria le directeur de
l’Ordre d’inviter Jean Sibbrecht à venir faire la décoration de l’église,
aujourd’hui église Saint-joseph, rue de Fer à Namur, qui fut bénie en 1660.
Il devint ainsi l’auteur de grands et magnifiques paysages qui
décorèrent la nef de l’église conventuelle[4].
Le 31 août 1662, à la veille d’un départ pour Rome, Jean Sibbrecht fit
son testament, craignant disait-il de mourir ab intestat, parmi les périls et
les fâcheries d’un si long voyage[5]. Dans
ce testament, cet artiste se qualifie « jeune homme, peintre, natif d’Arkenne en Wallon Brabant, travaillant à
Namur, âgé de cinquante huit ans ». Il disposait déjà d’un certain avoir,
car deux ans auparavant, il avait prêté 800 florins aux Carmes, fort endettés
par leurs bâtisses. Cette somme serait aussitôt à rembourser à une
créancière du couvent, Anne Wilmart,
veuve Warnotte de la Bouverie[6].
En compensation, les religieux qui pourvoyaient au logement de Sibbrecht,
lui assurèrent une rente annuelle de 50 florins.
Parti pour la ville éternelle, comme de nombreux autres artistes de son
temps, il n’y fit qu’un court séjour et après avoir séjourné quelques jours à
Lyon chez son frère Gérard, il était de nouveau à Namur en 1664.
Les Carmes continuèrent à payer ses frais d’entretien car nous trouvons
qu’en 1668, ils ont payé à Marie Gouverne, béguine du béguinage de Saint-Aubin,
lavandière des Carmes, dix florins pour le linge de Sibbrecht[1].
Par ce même testament, il léguait la généralité de ses biens à Georges
et Jenne Sibbrecht, enfants de feu Gérard et de damoiselle Jenne Julio, sa
compagne, ses neveu et nièce et belle-sœur, demeurant à Paris, ainsi qu’à Barbe
Marchand, aussi sa nièce, fille de Rémy Marchand et de Marguerite Sibbrecht, sa
sœur, cultivateurs à Scoumont sous Arquennes.
Jean Sibbrecht séjourna la plus grande partie de son existence dans le
cloître des R.P. Récollets à Namur, où il décéda et y fut inhumé.
Les entre pilastres de l’église de ce couvent sont remplis par de grands
tableaux ou paysages exécutés par cet artiste de talent et révèlent un
excellent goût.
Gérard Sibbrecht
Quant à Gérard Sibbrecht, frère du peintre, il voyagea également pour se
perfectionner dans son métier de sculpteur. D’abord il séjourna à Gand, puis à
Paris, où il épousa Jenne Julio et alla se fixer à Lyon.
Après avoir laissé dans cette ville et dans les environs des œuvres
encore admirées de nos jours, il décéda en 1665 et repose dans cette ville[2].
De son mariage avec Jenne Julio, il eut deux enfants ; Georges et
Jenne. Après la mort de son époux, Jenne
et ses enfants retournèrent à Paris, où Georges, son fils, devint également un
sculpteur renommé.
Il contribua sous le règne de Louis XIV à l’ornementation du palais de
Versailles de 1672 à 1682[3].
Gérard Sibbrecht était plus connu sous le nom de Gérard le wallon.
Un acte daté du 12 septembre 1682 signale :
« Par devant le mayeur et les
échevins d’Arkenne, comparurent Georges Sibbrecht, âgé de 28 ans, en vertu de
la procure de Jeanne Julio, sa mère et Marguerite Sibbrecht, sa sœur
suffisamment âgée.
Ledict Sibbrecht connoist avoir
reçeu de Mathias Boulouffe et Norbert Boulouffe avecq François Maghe, à titre
de Jeanne Boulouffe, sa femme, seconds comparants, le capital et arrierages
d’une rente de 12 florins qu’ils avoient droict de recevoir sur la maison et
hostellerie de l’Ange sur la place d’Arkenne.
Signé les échevins Jean Lis et
Jean del Fontaine, le vieil»
Un autre texte prouve aussi la possession de l’hôtel de l’Ange :
Le 11 juin 1641 « Marguerite Hanicq, veuve de Nicolas Sibbrecht a
loué pour un terme de six ans à Siméon Pasquette sa maison et hostellerie de
l’Ange, sur la grand place d’Arquennes
[3] S. LAMY,
Dictionnaire des artistes et ouvriers d’art de l’école française, règne e Louis
XIV, p. 62.