COMMANDANT
NATIONAL AU RECRUTEMENT DU GROUPE G
Gaston-Jean-Arthur Baudoux est né à Feluy, le 21 décembre 1912. Élève
studieux, il réussit ses études primaires et moyennes avec beaucoup de facilité.
D'origine modeste, il entre dans l'industrie métallurgique tout en continuant à
se perfectionner par des cours industriels : technologie des ateliers (1929),
tourneur-mécanicien (1930), spécialiste de traçage (1931). Il est actif au
syndicat des métallurgistes et, entrevoyant la possibilité d’une carrière
politique, il suit les cours de droit administratif (diplômé en 1934).
Après son service militaire, il se marie en
1936 et est remarqué par Jules Casterman1 secrétaire de la Fédération des métallurgistes du Centre. 1l
devient ensuite, peu après la mise à la pension de ce dernier,
secrétaire-adjoint de la Fédération et
voisin de Jules Casterman, à la rue
Rondeau. Aux élections de 1938, il est élu conseiller communal de La Hestre et
devient échevin de l ‘instruction publique et président du comité scolaire.
Mobilisé en 1940, il est envoyé dans le sud
de la France. En juillet, il annonce son prochain retour et envoie les espoirs
des "Chevaliers de la Gaulle". Rentré au pays, ii reprend ses
fonctions d'échevin, et mène le combat contre ceux qui veulent inclure la Fédération a l'UTMI2. II nous
fait part des séances orageuses à Bruxelles contre les Byttebier et consorts, syndicalistes partisans de 1'Ordre Nouveau, qui veulent rassembler
toutes les organisations sous la houlette de l'UTMI.
Finalement, toute résistance devenant impossible, il quitte le secrétariat
de l'ex-Fédération. Il intensifie ses activités dans la
Resistance et est l’un des animateurs des demandes des familles des prisonniers
de guerre a. Leopold III à von
Falkenhausen3 pour la libération des P.G.
A la commune de La Hestre, il devient échevin
délégué faisant fonction de bourgmestre. Il est aussi agent d'assurances. Dès
les premiers envois de travailleurs obligatoires en Allemagne, il est parmi
ceux qui aident les réfractaires à se cacher et leur fournit des lettres d’identité
et des timbres de ravitaillement.
Les Allemands, qui occupent unique partie de
la clinique, ont besoin de pommes de terre et veulent en réquisitionner. Il
leur propose d’aller en Flandre avec deux camions militaires et contacte des résistants Flamands pour savoir où s’approvisionner.
Il est convenu que le chargement d'un des camions sera réservé aux Allemands et
que, pour le deuxième, les marchandises seront destinées au Secours d’hiver local dont il est le vice-président4,
ainsi qu'à la population (supplément sans timbre).
À l’occasion de la formation du Grand La Louvière5, il est de ceux qui rédigent des
délibérations de protestation ainsi que la célèbre "Lettre aux
patriotes" que l’on polycopie à la commune de La Hestre avant la
fourniture par imprimerie. Un officier de la SS entre dans le bureau pendant ce
travail et il faut user de beaucoup d’improvisation pour ne pas attirer son
attention et évacuer les feuilles. On a eu chaud !
A la fusion des communes, en 1942, il perd sa fonction d'échevin
délégué et est embauché par Raymond Classens
qui dirige une petite société de montage métallurgique. Il occupe à cet
effet, une petite annexe de la maison du docteur Druez, en haut de la rue de la Loi. Il contacte certains agents de
police charges du transport du courrier officiel entre la commune de La Louvière
et les districts. Véhiculées en auto (au lieu de prendre le train), les valises
sont amenées dans le petit bureau, ouvertes avec de fausses clés, avant de
prendre copie des notes confidentielles destinées à certains collaborateurs.
L'organisation de tous les moyens de résistance s'amplifie. Étant
chez lui, nous rencontrons un aviateur anglais abattu par la DCA allernande6
qui reçoit des instructions en vue de son rapatriement par les filières française
et espagnole.
La présence de voisins pro-nazis devient inquiétante. Des
personnages "suspects" sont repérés dans les environs. Ceci explique
le départ dans la nature, de Gaston et
aussi celui du vicaire De Porter, qui
habite un peu plus haut dans la rue Rondeau. Des notes me parviennent par l'intermédiaire
des gendarmes de Morlanwelz (tous résistants)7. Gaston a en effet, trouvé refuge à la gendarmerie. Il multiplie
avec divers groupes, des actions de toutes sortes dans la région. Son épouse et
ses deux enfants sont accueillis à Bruxelles d'où ils maintiennent le contact. Il lui avait été proposé de gagner l'Angleterre mais il avait refusé.
Gaston Baudoux est malheureusement arrêté par les services allemands et transféré
à la prison de Saint-Gilles, le 24 février 1944 d'où la nouvelle de son décès tombe comme un boulet de
canon le 6 avril suivant. Les sympathies affluent. Le cercueil plombé est remis
à la famille et les funérailles ont lieu le mardi 11 avril, à 16 heures. C’est
un très long ruban de plusieurs centaines de mètres de sympathisants qui
accompagne le corps au cimetière.
Peu après la libération, le conseil communal décide de
donner le nom de Place Gaston Baudoux, a
la portion de la rue Ferrer formant la place du Roucha. Un Commité Gaston Baudoux est créé sous la présidence d’honneur d’Alexandre André, député permanent,
avec Nestor Clostermann, militant
communiste, comme président et René
Dumont, conseiller communal, comme secrétaire. Une plaque commémorative est
placée sur la façade du numéro 39 tandis qu'un monument est érigé au cimetière
communal, après une souscription publique auprès de la population, avec le
concours de la Fédération des métallurgistes
reconstituée.
Une importante manifestation est prévue le 21
juillet 1945 et, malgré un arrêté interdisant tout rassemblement, le comité
organisateur décide de la maintenir. C'est une imposante participation de la
population, des groupements locaux et régionaux qui s'ébranle. À la maison
communale, Armand Bauwens, échevin,
rend hommage à son ancien collègue. À la Maison du Peuple, le président Clostermann et le députe Gaston Hoyaux, ancien prisonnier
politique, parlent de l'ardent militant que fut Gaston Baudoux. Inaugurant la plaque commémorative, l’abbé Nestor De Porter salue le courageux
résistant.
Puis, au cimetière, Georges
Haine, de la Fédération des métallurgistes,
rend à son tour hommage au dévoué syndicaliste, suivi par le commandant
national Leclercq, du Groupe G8, qui glorifie le
sacrifice du disparu. Enfin, Alexandre André,
au nom du comité organisateur, prend pour tous, l'engagement de ne jamais
oublier la mémoire de Gaston Baudoux.
Par la suite, le comité décidera la création d'un Prix Gaston Baudoux, destiné aux éleves des écoles
communales, en souvenir de leur ancien échevin. Une somme fut versée pour
permettre à ses enfants Monique et Jean,
la continuation de leurs études.
Nous aurions pu encore énoncer des dizaines de faits et d'anecdotes
pour illustrer l'ardeur et le courage de Gaston
Baudoux. Au moment où plus de 55 ans nous séparent de cette douloureuse perte, ayons
une pensée émue pour cet ami qui était susceptible d’un avenir syndical et
politique de premier plan.
Albert BRISON
Ancien membre du Comité
Gaston Baudoux.
1
Nous lui avons consacré un article dans le n°7 des cahiers.
2 L'UTMI, abréviation
pour Union des Travailleurs Manuels et Intellectuels,
était un syndicat proche d’idéologie allemande, créé au début de la guerre.
3 Il s'agit du général Alexander
von Valkenhausen, nommé le 2 juin 1940 gouverneur-général de la Belgique et
du nord de la France. II résida au château de Seneffe.
4 Le Secours d'hiver était une organisation
de charité, de création officielle et composée de bénévoles, avec une cellule dans
chaque localité. Il aida pendant toute la guerre les plus démunis - soit
presqu'un quart de nos concitoyens principalement en vêtements, vivres et
charbon.
5 Le Grand La Louvière, composé de 17
communes du Centre, fut créé à partir du 1er avril 1942 par un arrêté du secrétaire
général de l’intérieur. La Hestre appartenait au district III établi à
Morlanwelz. Voir l’article sur les
fusions de communes dans le n°6 des Cahiers.
6 La
DCA ou Défense Contre l’ Aviation, consiste
en des canons puissants mais de petit calibre.
7 La brigade de Morlanwelz était
commandée par l’adjudant Léon Fabry, arrêté par après par les Allemands et décédé à Sangerhausen.
8 Formé en 1941-42 par de jeunes universitaires issus de
l'ULB, sous la direction de Jean
Burgers, le Groupe G, composé
surtout d’ingénieurs et de techniciens, devint un important réseau.' de résistance a l’occupant, spécialisé dans
les actes de sabotage : voies ferrées, pylônes électriques et de téléphone, canaux.
C'est lui qui vida le bief de Ronquières du canal de Charleroi à Bruxelles.
Pour des raisons de sécurité, il ne fut connu qu’à la fin des hostilités sous
le nom de Groupèrent général de sabotage.
Le commandant
Leclercq, qui avait succédé a Burgers,
arrêté et pendu à Buchenwald, le 6 septembre 1944, était, en 1937,
professeur de français à l’athénée de Morlanwelz.