mardi 30 décembre 2025

GASTON BAUDOUX

 

COMMANDANT NATIONAL AU RECRUTEMENT DU GROUPE G

Gaston-Jean-Arthur Baudoux est né à Feluy, le 21 décembre 1912. Élève studieux, il réussit ses études primaires et moyennes avec beaucoup de facilité. D'origine modeste, il entre dans l'industrie métallurgique tout en continuant à se perfectionner par des cours industriels : technologie des ateliers (1929), tourneur-mécanicien (1930), spécialiste de traçage (1931). Il est actif au syndicat des métallurgistes et, entrevoyant la possibilité d’une carrière politique, il suit les cours de droit administratif (diplômé en 1934).

Après son service militaire, il se marie en 1936 et est remarqué par Jules Casterman1 secrétaire de la Fédération des métallurgistes du Centre. 1l devient ensuite, peu après la mise à la pension de ce dernier, secrétaire-adjoint de la Fédération et voisin de Jules Casterman, à la rue Rondeau. Aux élections de 1938, il est élu conseiller communal de La Hestre et devient échevin de l ‘instruction publique et président du comité scolaire.

Mobilisé en 1940, il est envoyé dans le sud de la France. En juillet, il annonce son prochain retour et envoie les espoirs des "Chevaliers de la Gaulle". Rentré au pays, ii reprend ses fonctions d'échevin, et mène le combat contre ceux qui veulent inclure la Fédération a l'UTMI2. II nous fait part des séances orageuses à Bruxelles contre les Byttebier et consorts, syndicalistes partisans de 1'Ordre Nouveau, qui veulent rassembler toutes les organisations sous la houlette de l'UTMI.

Finalement, toute résistance devenant impossible, il quitte le secrétariat de l'ex-Fédération. Il intensifie ses activités dans la Resistance et est l’un des animateurs des demandes des familles des prisonniers de guerre a. Leopold III à von Falkenhausen3 pour la libération des P.G.

A la commune de La Hestre, il devient échevin délégué faisant fonction de bourgmestre. Il est aussi agent d'assurances. Dès les premiers envois de travailleurs obligatoires en Allemagne, il est parmi ceux qui aident les réfractaires à se cacher et leur fournit des lettres d’identité et des timbres de ravitaillement.

Les Allemands, qui occupent unique partie de la clinique, ont besoin de pommes de terre et veulent en réquisitionner. Il leur propose d’aller en Flandre avec deux camions militaires et contacte des résistants Flamands pour savoir où s’approvisionner. Il est convenu que le chargement d'un des camions sera réservé aux Allemands et que, pour le deuxième, les marchandises seront destinées au Secours d’hiver local dont il est le vice-président4, ainsi qu'à la population (supplément sans timbre).

À l’occasion de la formation du Grand La Louvière5, il est de ceux qui rédigent des délibérations de protestation ainsi que la célèbre "Lettre aux patriotes" que l’on polycopie à la commune de La Hestre avant la fourniture par imprimerie. Un officier de la SS entre dans le bureau pendant ce travail et il faut user de beaucoup d’improvisation pour ne pas attirer son attention et évacuer les feuilles. On a eu chaud !

A la fusion des communes, en 1942, il perd sa fonction d'échevin délégué et est embauché par Raymond Classens qui dirige une petite société de montage métallurgique. Il occupe à cet effet, une petite annexe de la maison du docteur Druez, en haut de la rue de la Loi. Il contacte certains agents de police charges du transport du courrier officiel entre la commune de La Louvière et les districts. Véhiculées en auto (au lieu de prendre le train), les valises sont amenées dans le petit bureau, ouvertes avec de fausses clés, avant de prendre copie des notes confidentielles destinées à certains collaborateurs.

L'organisation de tous les moyens de résistance s'amplifie. Étant chez lui, nous rencontrons un aviateur anglais abattu par la DCA allernande6 qui reçoit des instructions en vue de son rapatriement par les filières française et espagnole.

La présence de voisins pro-nazis devient inquiétante. Des personnages "suspects" sont repérés dans les environs. Ceci explique le départ dans la nature, de Gaston et aussi celui du vicaire De Porter, qui habite un peu plus haut dans la rue Rondeau. Des notes me parviennent par l'intermédiaire des gendarmes de Morlanwelz (tous résistants)7. Gaston a en effet, trouvé refuge à la gendarmerie. Il multiplie avec divers groupes, des actions de toutes sortes dans la région. Son épouse et ses deux enfants sont accueillis à Bruxelles d'où ils maintiennent le contact. Il lui avait été proposé de gagner l'Angleterre mais il avait refusé.

Gaston Baudoux est malheureusement arrêté par les services allemands et transféré à la prison de Saint-Gilles, le 24 février 1944 d'où la nouvelle de son décès tombe comme un boulet de canon le 6 avril suivant. Les sympathies affluent. Le cercueil plombé est remis à la famille et les funérailles ont lieu le mardi 11 avril, à 16 heures. C’est un très long ruban de plusieurs centaines de mètres de sympathisants qui accompagne le corps au cimetière.

Peu après la libération, le conseil communal décide de donner le nom de Place Gaston Baudoux, a la portion de la rue Ferrer formant la place du Roucha. Un Commité Gaston Baudoux est créé sous la présidence d’honneur d’Alexandre André, député permanent, avec Nestor Clostermann, militant communiste, comme président et René Dumont, conseiller communal, comme secrétaire. Une plaque commémorative est placée sur la façade du numéro 39 tandis qu'un monument est érigé au cimetière communal, après une souscription publique auprès de la population, avec le concours de la Fédération des métallurgistes reconstituée.

Une importante manifestation est prévue le 21 juillet 1945 et, malgré un arrêté interdisant tout rassemblement, le comité organisateur décide de la maintenir. C'est une imposante participation de la population, des groupements locaux et régionaux qui s'ébranle. À la maison communale, Armand Bauwens, échevin, rend hommage à son ancien collègue. À la Maison du Peuple, le président Clostermann et le députe Gaston Hoyaux, ancien prisonnier politique, parlent de l'ardent militant que fut Gaston Baudoux. Inaugurant la plaque commémorative, l’abbé Nestor De Porter salue le courageux résistant.

Puis, au cimetière, Georges Haine, de la Fédération des métallurgistes, rend à son tour hommage au dévoué syndicaliste, suivi par le commandant national Leclercq, du Groupe G8, qui glorifie le sacrifice du disparu. Enfin, Alexandre André, au nom du comité organisateur, prend pour tous, l'engagement de ne jamais oublier la mémoire de Gaston Baudoux.

Par la suite, le comité décidera la création d'un Prix Gaston Baudoux, destiné aux éleves des écoles communales, en souvenir de leur ancien échevin. Une somme fut versée pour permettre à ses enfants Monique et Jean, la continuation de leurs études.

Nous aurions pu encore énoncer des dizaines de faits et d'anecdotes pour illustrer l'ardeur et le courage de Gaston Baudoux. Au moment plus de 55 ans nous séparent de cette douloureuse perte, ayons une pensée émue pour cet ami qui était susceptible d’un avenir syndical et politique de premier plan.

Albert BRISON

Ancien membre du Comité Gaston Baudoux.

 

1 Nous lui avons consacré un article dans le n°7 des cahiers.

2 L'UTMI, abréviation pour Union des Travailleurs Manuels et Intellectuels, était un syndicat proche d’idéologie allemande, créé au début de la guerre.

3 Il s'agit du général Alexander von Valkenhausen, nommé le 2 juin 1940 gouverneur-général de la Belgique et du nord de la France. II résida au château de Seneffe.

4 Le Secours d'hiver était une organisation de charité, de création officielle et composée de bénévoles, avec une cellule dans chaque localité. Il aida pendant toute la guerre les plus démunis - soit presqu'un quart de nos concitoyens principalement en vêtements, vivres et charbon.

5 Le Grand La Louvière, composé de 17 communes du Centre, fut créé à partir du 1er avril 1942 par un arrêté du secrétaire général de l’intérieur. La Hestre appartenait au district III établi à Morlanwelz. Voir  l’article sur les fusions de communes dans le n°6 des Cahiers.

6 La DCA ou Défense Contre l’ Aviation, consiste en des canons puissants mais de petit calibre.

7 La brigade de Morlanwelz était commandée par l’adjudant Léon Fabry, arrêté par après par les Allemands et décédé à Sangerhausen.

8 Formé en 1941-42 par de jeunes universitaires issus de l'ULB, sous la direction de Jean Burgers, le Groupe G, composé surtout d’ingénieurs et de techniciens, devint un important réseau.' de résistance a l’occupant, spécialisé dans les actes de sabotage : voies ferrées, pylônes électriques et de téléphone, canaux. C'est lui qui vida le bief de Ronquières du canal de Charleroi à Bruxelles. Pour des raisons de sécurité, il ne fut connu qu’à la fin des hostilités sous le nom de Groupèrent général de sabotage. Le commandant Leclercq, qui avait succédé a Burgers, arrêté et pendu à Buchenwald, le 6 septembre 1944, était, en 1937, professeur de français à l’athénée de Morlanwelz.