vendredi 23 novembre 2012

Excursion archéologique

   
Dans la Vallée de la Dyle et de la Lasne
 
                                                   par le   Dr Norbert Cloquet



Peu de localités en Belgique présentent autant d'intérêt archéologique que la vallée de la Dyle; presque toutes les époques y sont représentées, depuis l'âge de la pierre polie (néolithique) jusqu'au moyen âge. La découverte récente d'une hache en bronze au bois du Ruart, commune de Baisy, vient compléter la série.
J'ai cru utile de faire une excursion dans cette belle vallée et d'indiquer ici tout ce qui a été découvert ou signalé, afin d'en démontrer l'importance et de provoquer de nouvelles recherches.
On y a fait quelques fouilles, mais il reste encore un vaste champ à explorer.
Je m'attacherai spécialement aux époques les plus anciennes, ne jetant qu'un coup d'œil rapide sur les monuments du moyen âge. D'ailleurs, il reste fort peu de vieux châteaux conservés, et les églises, qui généralement sont les édifices les plus importants d'une commune, et gardent parfois des objets d'art très intéressants, ont été presque toutes reconstruites aux siècles derniers en style classique et possèdent peu de richesses dans leur mobilier. On pourra consulter au sujet de ces monuments l'ouvrage de MM. Tarlier et Wauters (1), ou j'ai puisé une partie de mes rensei­gnements.

 

HOUTAIN SUR DYLE

  
C'est à Houtain-le-Mont, près du bois du Sompty, que la Dyle prend sa source ; faible ruisseau à sa naissance, elle alimente l'étang du château de Houtain-le-Val et se dirige en serpentant vers Loupoigne.
Houtain est un village essentiellement agricole et très insignifiant au point de vue archéologique. Il possède cependant son château du moyen âge en grande partie modernisé ; qui l'avoisine, bâtie en 1769, n'offre rien de bien intéressant ; elle est d'une grande simplicité.

 

LOUPOIGNE
 

 
                                                                                      
Suivant le cours de la rivière, on arrive à Loupoigne, autre petit village agricole ; on y exploite cependant, au hameau de Fonteny, un grès bruxellien dont on fait des pavés et qui sert à la restauration des vieux monuments, à l'instar de la pierre de Gobertange. (2)
On a trouvé dans un terrain situé vis à vis du presbytère une pièce en bronze à l'effigie de Gallien ;
cela indiquerait le passage, si pas le séjour des Romains; d'ailleurs comme nous allons le voir, ils avaient un grand établissement près de Genappe.
L'église a été construite sur les plans de l'architecte Moreau, de Nivelles, en 1853; on y voit près du maître- autel deux tableaux donnés par le comte de Beauffort, l'un le denier de César, par Mathieu de Louvain, l'autre, David tenant la tête de Goliath, toile italienne par un auteur inconnu.

(I) Géographie et histoire des Communes belges.
2) On a trouvé dans une de ces petites carrières, il y a quelques années, une tortue fossile très bien conservée, de 40 h 50 centimètres; elle a été achetée pour le Musée royal d'histoire naturelle de Bruxelles, au prix de 195 francs.


VIEUX-GENAPPE









Près de Loupoigne se trouve Vieux-Genappe; autrefois l'espace compris entre cette commune et celles de Nivelles et de Braine-l'Alleud était couvert de bois ; aujourd'hui, c'est une vaste plaine.
Ce village est bien ancien, puisque déjà en 1222 existait le nouveau Genappe (nova Genappa). Celui-ci s'est accru insensiblement et l'a emporté sur le Genappe ancien. Des maisons se sont construites autour du château de Lothier d'abord, et ensuite le long de la route de Bruxelles à Charleroi, et ont formé ainsi un bourg important, mais qui a dépendu pendant longtemps en partie de Vieux-Genappe et en partie de Ways ; ce n'est qu'en 1836 que l'église de Genappe a été érigée en succursale.
Vieux-Genappe ne présente rien de remarquable au point de vue archéologique. On y a cependant trouvé une hache polie au hameau de Promelles. Il est probable que si l'on faisait des recherches, on y trouverait des silex taillés, comme il arrive souvent dans les bruyères et les bois défrichés.
Genappe est aussi pauvre en antiquités ; on n'en sera pas surpris lorsqu'on saura, que son territoire n'est que de 56 hectares ; je possède un nucléus en beau silex noir d'Obourg, qu'on m'a dit avoir été trouvé dans les environs de Genappe.
Cette commune est connue par son château de Lothier, dont -il restait encore quelques vestiges lors de la construction de la gare du chemin de fer de Manage à Wavre. Cette gare se trouve précisément sur l'empla­cement du château dont nous parlons : les terrains voisins sont encore couverts de débris de briques, d'ardoises et de ciment. J'y ai recueilli aussi des poteries du Xe au XIIe siècle, à pâte grossière, bleuâtre, non vernissée.
Au sud, sur la rive droite de la dyle, dit Wauters, s'élève un château redoutable dont les ducs de Brabant se servirent à la fois comme prison et comme forteresse; ce fut la principale prison d'Etat du duché jusqu'à la construction du château de Vilvorde en 1373 (1). On sait que le Dauphin de France, Louis, fils du roi Charles VII, y séjourna assez longtemps. La vie de ce prince est encore assez mystérieuse; M. Wauters fait de lui un petit monstre. Il est vrai qu'il cite comme autorité l'évêque Claude de Seyssel. D'autres historiens ont cherché dans ces derniers temps à le réhabiliter. Cette question étant en dehors de notre sujet, nous ne chercherons pas à l'élucider.

 
1) On peut voir le dessin de ce chûteau dans le bel ouvrage du Baron Leroy, et la description dans celui de Tuner et Wauters.
 
 

Le sol, qui ne présente que de vastes plaines où s'élèvent çà et là de belles et grandes fermes, devient tout à coup très accidenté; des roches schisteuses mon‑
trent leurs têtes dénudées sur les deux rives de la Dyle.
C'est dans l'encaissement de cette vallée naissante, que se trouve le petit village de Ways. Un vieux manoir sur le bord de l'eau, avec sa petite chapelle, une fabrique abandonnée, une modeste église, un rocher abrupt, reste d'une ancienne carrière, quelques chaumières et quelques fermes éparpillées le long d'un grand chemin montueux et raviné, telle est cette commune d'un aspect bien pauvre, mais riche en antiquités ; elle renferme en son sein peut-être bien des curiosités inconnues; la bêche du fouilleur n'a jamais été à leur recherche, le hasard seul en a révélé l'existence.
J'avais dans ce village une tante, fermière, possédant le goût inné de l'archéologie. (1) Si elle eût vécu à notre époque, nul doute qu'elle n'eût fait partie de notre société. Elle s'amusait à recueillir les objets curieux qu'elle rencontrait et les étalait dans son jardin. C'est ainsi qu'elle avait toute une collection de jeux de nature; elle s'intéressait surtout aux souvenirs historiques : fragments de chapiteaux, de consoles, de colonnettes en pierre bleue, en pierre blanche, même en marbre, pro­venant des abbayes de Villers et d'Aiwières ; tout cela était artistement placé dans un petit jardin anglais.
Un jour que j'étais allé la voir, elle me dit, qu'un ouvrier du voisinage, en extrayant des pierres pour la construc­tion d'un hangar, avait trouvé des pots contenant des
ossements. M. Warocqué, chez qui il travaillait, ayant appris la chose, les lui avait demandés. Elle me conduisit chez cet homme, logé dans une véritable hutte en moéllons couverte en chaume
 
 
(1) Cette clame, Anastasie trousse, épouse Buisseret, a montré un véritable héroïsme lors de l'apparition du choléra en 1831 L'épidémie
 
 
En y pénétrant, j'aperçus près du foyer un jeune chat mangeant dans une espèce de gamelle ; la forme du vase, sa couleur d'un beau rouge, éveillèrent mes soupçons ; je m'approchai et ne tardai pas à recon­naître le couvercle d'un vase samien renversé et servant d'assiette. C'est le seul objet ancien que cet homme possédât encore. Sa ménagère l'avait conservé pour mettre la portion de Mimine. Elle me le céda.
Je me fis conduire à l'endroit où son mari avait trouvé les vases; elle me mena sur la berge schisteuse, couverte de broussailles, de la rive gauche de la Dyle, en deçà du château de Thy. C'est un bien  communal où l'on permet l'extraction des moéllons. On voyait encore, à l'endroit ou l'on en avait extrait, de nombreux tessons de vases détruits par la pioche ou par les enfants, qui s'amusaient à les briser en en faisant un jeu d'adresse.
Ces débris étaient placés dans des poches creusées sous les bancs de schiste ; il y en avait un grand nombre, mais tous n'auront pas été découverts, et il est probable qu'il en existe encore. C'était un cimetière belgo-romain. Je ne pense pas qu'on y ait fait des fouilles depuis cette époque.
Non loin de là, au-dessus du rocher qui s'avance en forme de promontoire près de la petite chapelle, est un vaste plateau où existait un grand établissement romain. La tante m'y conduisit : « Après une forte pluie, me dit-elle, lorsque le sol est nu, les enfants s'amusent à ramasser de petits cubes de pierre bleue et de pierre blanche; il s'en trouve par milliers. J'y reconnus bientôt des débris de mosaïque, ce qui indiquait une riche et importante villa. (1)
Je demandai qu'on m'en recueillît, et quelque temps après j'en recevais tout une caisse; la tante y avait joint les objets suivants :
1.Une urne en verre vert bien conservée, provenant du cimetière (un messager s'en servait pour mettre ses épices).
2.Une lagène en terre grise; même provenance (2).
3.Une urne en terre grise brisée; même provenance.
4.Des tessons de poterie, entre autres un beau fragment de tèle, comme en fabriquait le potier Brariatus.
5.Un manche de canif avec cachet à une extrémité.
6.Un manche de clef en bronze (3).
7.Un couperet, petite hache en fer servant aux sacrifices.
8.Un bout de pique.


9.Une monnaie en bronze d'Antonin (1).
10.Une clef de Malte.
11.Une petite médaille en argent avec la croix de Malte.
12.Un fragment de gaine de poignard ou dague en fer. Les numéros 4 à 12 proviennent du plateau.
Ces objets de l'ordre de Malte sembleraient indiquer qu'un établissement de cet ordre célèbre se serait greffé sur l'établissement romain.
L'église de Ways n'offre rien de bien remarquable, si ce ne sont les tombes des seigneurs de Tby et de la famille Cornet. On voit au milieu du cimetière un monument en pierre de taille assez élevé, construit à la mémoire du général comte Duchesne, atteint d'un coup mortel sur le champ d'honneur le 18 juin 1815.
 
 
Il est assez étonnant que M. Wauters n'ait pas connu ces substruc­tions et ce cimetière ; il n'en parle pas dans son ouvrage. Il se borne à dire qu'en janvier 1855 on trouva à Ways une cuillère antique en bronze et un manche de couteau en forme de glaive.
Voir Lettres sur les antiquités trouvées à Feluy et aux environs. Cercle archéologique dr..‘ Mons. T.
(5) Id.
 
BAISY
 


 
 





 
La commune de Baisy, voisine de Ways, est aussi très accidentée dans la partie orientale et septentrionale; elle est célèbre par la naissance de Godefroid de Bouillon, l'illustre conquérant de la Terre sainte.
Il existe encore, mais fort réduite, une motte sur laquelle avait été bâti son château dans une prairie, à l'est de la cure, nommée pré dè motte; des fouilles y ont fait découvrir des fondements de forme circulaire, en grès et en briques; on y a trouvé aussi un petit poignard dont le manche était terminé par une tête casquée en bronze émaillé.
Le nom de Tombois, donné à une partie du hameau, rappelle l'existence en cet endroit d'anciennes sépultures.
On vient de découvrir au bois de Thy, commune de Baisy, mais sur les limites de Ways, une hache en bronze. M. Jos. Collin, pharmacien à Genappe, qui m'a informé de cette découverte, va publier une notice à ce sujet. Cette hache se trouve actuellement au musée de la Société archéologique de Nivelles, qui en a fait l'acquisition. Cette découverte est très importante; elle se rattache aux découvertes de Court-St-Etienne, dont nous parlerons plus loin. Baisy mérite d'être exploré soigneusement
 
 

(1) Voir Lettres sur les antiquités trouvées 1, Feluy et aux environs. Cercle archéologique de Mons. T. iv.
 
 
BOUSVAL
 


 











Nous arrivons à Bousval (Bovis vallum), charmant petit village; sur la rive droite de la Dyle s'élève, au sommet de la côte, en face de la station, un château assez originalement construit avec jardins en gradins, bassins, cascades et jets d'eau.
Plusieurs points de la commune rappellent d'anciens souvenirs ; tels sont les tombois, sur la limite de Baisy, la tombe des Romains, hauteur située à l'est du château de la Motte et le monceau des bergers. On sait encore par la tradition, qu'il a existé plusieurs tombes sur la lisière du bois de Lalloux, où l'on signale les restes de deux petits monticules ; il est probable qu'aucun de
ces points n'a été fouillé.

  

COURT-St-ETIENNE




















Passons à Court-St-Etienne, joli village aujourd'hui bien connu par ses eaux minérales; il est certainement le point le plus important de la vallée sous le rapport archéologique.
Depuis longtemps il avait attiré l'attention des archéologues. Déjà en 1861, le Gouvernement avait fait pratiquer des fouilles dans quelques turnu/i; mais on s'était trompé sur la nature des objets découverts, et on les avait classés, au musée de la porte de Hal, au milieu des gallo-romains; une grande épée en fer était même placée dans les cadres de l'époque franque.
Des fouilles ont été pratiquées, disent MM. Tarlier et Wauters, pour le Gouvernement, le 9 juin et le 4 octobre 1861, à 1200 in. N. E. de l'église près du bois du Hâsoit, dans une sapinière appartenant à M. Liboutton et qui constituait en 1773 une bruyère communale dite bruyère Henri Duchesne, d'une étendue de 2 1/2 bonniers. Là se voient encore un grand nombre de tumuli, dont deux seulement atteignent la hauteur de plus d'un mètre ; l'un, à l'entrée de la sapinière, est surmonté de la petite chapelle du Calvaire-Liboutton ; l'autre est à proximité de la Ferme-blanche; plusieurs de ces tumuli furent ouverts : on y rencontra au niveau du sol environnant un lit de charbon mélangé d'ossements calcinés, sur lequel reposaient plusieurs objets qui se trouvent maintenant au Musée royal d'antiquités de la porte de Hal ; une grande urne en terre noire, des fragments de petites urnes, deux glaives en fer très oxydés, un porte-épée en bronze, un fermoir en bronze, divers fragments de fibules, de boucles, de boutons en fer et en bronze. Cet endroit a été évidem­ment un cimetière considérable, à en juger par le nom que porte une parcelle contiguë (le pré des mottes), par le nombre de tumuli encore existants, et par ce fait, qu'au nord du chemin longeant la sapinière, il en existait encore deux ou trois dont la charrue a fait disparaître les derniers vestiges.
Ce cimetière, admirablement posé sur une hauteur d'où la vue porte loin, constitue le premier chaînon d'une chaîne d'antiques nécropoles, que nous pourrions suivre le long de la Dyle jusqu'au delà de Basse-Wavre. La tradition porte qu'à Court, vers l'an 1784, on opéra des fouilles dans le grand tumulus voisin de la ferme blan­che et qu'on trouva quelques objets qui furent portés au château.
Vers 1880, des ouvriers, en défrichant le petit bois (le sapins nominé bois de la Quinique, cité plus haut sous le nom de Bruyère Duchesne, découvrirent une quantité d'urnes remplies d'ossements calcinés. Ayant appris le fait par la voie des journaux, nous nous rendîmes sur les lieux, M. le Dr Le Bon et moi, et nous pûmes constater des actes. d'un véritable vandalisme. Lorsqu'ils rencontraient une urne, les ouvriers la brisaient pour en voir le contenu, espérant y trouver un trésor; ils n'y trouvaient que des cendres, des os calcinés, parfois quelques fragments d'épées en bronze ou un petit vase comme un jouet d'enfant (1). On en a brisé plus de cent.



(1) Cimetière celtique de Court-St-Etienne, Pr âge du fer.



M. le Dr Demol, bourgmestre, en a recueilli plusieurs, ainsi que M. Henricot, représentant de Nivelles.
Ce terrain est admirablement situé pour un cimetière et surtout pour un oppidum. C'est un vaste plateau formant une espèce de promontoire, au pied duquel la Dyle, l'Orne et la Tyle forment leur jonction ; il est le contrefort sur lequel est bâti le village.
Nous y avons trouvé de beaux silex taillés et surtout des phtanites d'un beau noir jais, aussi pur que le plus beau marbre de Dinant. M. Gérard, qui tenait l'hôtel des bains, en avait une belle collection, entre autres deux belles haches brutes de grande dimension et de magnifiques lames de couteau en silex de Spiennes. Nous avons vu aussi chez lui un beau polissoir en grès bruxellien, des vases avec os incinérés, des fragments d'épées ou de poigna.rds en bronze, une longue épée en fer. Ces divers objets doivent avoir été donnés à M. le représentant Henricot.
M. le comte Goblet d'Alviella possède aussi une petite collection bien intéressante d'objets trouvés à Court­Saint-Etienne ou aux environs : outils en silex, haches taillées dont une, de très belle taille; nucléus, couteaux, grattoirs, parmi lesquels il y en a de très remarquables, très petits et d'une grande délicatesse de taille; poinçons, percuteurs et éclats divers retouchés ou non retouchés ; il s'y trouve aussi de très beaux outils en phtanite; une grande et belle hache polie en silex trouvée lors de la démolition d'une maison : on l'avait probablement placée dans le mur afin de préserver les habitants de la foudre ; fragments de fibules, de poignards et d'épée en bronze, grande épée en fer, vases. (1)
M. Goblet a fait photographier les pièces les plus importantes de sa collection et il a eu l'obligeance de m'envoyer un exemplaire de cette photographie. J'y vois entre autres une pièce en tout semblable à celle signalée dans le catalogue du musée de Bruxelles comme porte- épée et que je considère comme un fragment de mors de bride.
Ces objets en bronze et les vases ont été trouvés dans un tumulus du bois de la Quinique.
Visitant M. Mataigne, rentier à Wavrc, grand amateur d'antiquités, qui possède de très jolis objets des diffé­rentes époques, j'eus le plaisir de voir une hache polie, mais brisée, en psammite, trouvée en 1880 au même lieu; les dimensions de cette hache sont de 0 m. 13 sur 0 m. 06.
M. Gérard m'écrivait qu'il avait découvert l'emplace­ment d'un oppidum et m'engageait à aller le voir ; malheureusement ma santé m'a empêché de faire cette excursion.
On voit par les citations que je viens de faire, combien la commune de Court-St-Etienne est riche en monuments préhistoriques et proto-historiques ; cependant combien sont encore cachés! Presque tous les sommets couverts de sapinières présentent des stations néolithiques et recèlent des tumuli.
On y trouve une quantité de beaux silex, très délicatement travaillés; il en est de même dans les communes voisines.

 

(t) Voir Excursion à Court-St-Etienne des congressistes de Bruxelles Compte rendu du Congrès, page 517.
 


L'église de Court-St-Etienne n'offre rien de bien remarquable comme ornementation, mais elle pos­sède, outre un beau calice en style renaissance, une châsse très curieuse formant un édicule de 59 cent.de long sur 27 de large et 40 de haut, orné d'une é niche avec statuette à chaque extrémité, et de trois niches à chaque face latérale; à l'un des bouts on voit S' Etienne surmonté, au pignon, de Dieu le Père; à l'autre bout est une croix reliquaire avec les instruments de la passion et l'inscription INRi; à l'une des faces latérales sont placés St Paul, S' Etienne et St Pierre; à l'autre, St Laurent, St Etienne et Ste Gertrude; les statuettes, les archivoltes, le toit sont en argent; la crète, les rampants à crochets, le réseau des arcades, les colonnettes sont en cuivre doré. Les reliques que contient cette châsse furent recueillies à Rome par Henri Decoster ; elles sont authentiques.



OTTIGNIES














De Court-St-Etienne passons à Ottignies. Ce village occupe les deux rives de la Dyle; il possède un château, qui se trouve sur la hauteur, en face de l'église. A peine connu autrefois, Ottignies est devenu une station impor­tante; son existence est déjà très ancienne, il est cité en 1190 sous le nom d'Othenies. Il recèle aussi des antiquités : sur un plateau qui longe le bois de l'Etoile, à 500 mètres S. O. de la ferme de la Blocquerie, on remarque une éminence que la charrue et la herse abaisse chaque année, mais qui cependant s'élève encore de près de 2 mètres au- dessus du sol (1862); à 100 mètres de cette motte, il y en a une seconde qui est presque nivelée.
J'ai vu chez M. Mataigne, de Wavre, déjà cité, une hache polie, brisée, de 0 in. 10 sur 0 m. 06 trouvée au lieu dit les Bruyères; M. Rayez, fils, M. Thibeau, notaire, et M. Van Overloop avaient exposé, lors du Congrès de Bruxelles, des silex provenant d'Ottignies aux lieux dits Bauloy ou Boulay et Worlombrou.



CÉROUX-MOUSTY
















Non loin de là est Céroux-Mousty, où l'on a trouvé, vers 1783-85, dans la bruyère du Ruisseau, des vases dont l'un contenait des ossements calcinés et des objets en métal ; cela ferait supposer une origine celtique.

 

LIMAL
 
 


















La première station qu'on rencontre en allant d'Ottignies vers Wavre est Limal. Son territoire a fourni plus d'une fois des antiquités, notamment des médailles et des vases, qui ont été remis à M. le curé Cuvelier, amateur, et au baron d'Hooghvorst qui y a son château. (1) Une de ces médailles est de l'empereur Auguste.
Dans les taillis qui couvrent la hauteur à proximité de la ferme Le mort, on remarque plusieurs tombelles de peu d'importance, dit Wauters. (2)
Il en existe encore d'autres près de Lasne, vis-à-vis du moulin de Rosières.
Nous ne ferons la description, ni du château, ni de l'église; mentionnons seulement le maître autel, style renaissance, en marbre blanc et noir, et des candé­labres en marbre blanc en partie antiques, donnés par le baron d'Hooghvorst, qui les avait achetés à Rome en 1840.
On voit aussi deux beaux tableaux : une Sainte Famille peinte par Navez, et Daniel dans la fosse aux lions, attribué à Crayer.


1 Actuellement occupé par le baron Paul de Fierlant.
2 L'importance n'est pas dans les dimensions, mais dan ce qu'elles contiennent et ce sont quelquefois les petites les plus intéressantes.



LIMELETTE

 
Limelette, diminutif de Limai, a aussi son tumulus ; le 23 avril 1803, nous avons opéré des fouilles, dit Wauters, dans le bois des Quewées et de Jauche, près du fond des tombes, pour constater si huit monticules existant en cet endroit étaient bien des tumuli. Une tranchée pratiquée dans la plus orientale de ces mottes a fait découvrir au niveau du sol voisin un lit de charbon et des ossements calcinés. Ces tumuli ont en général 12 ou 15 mètres de diamètre sur 1 à 1.50 m. de haut.
 
BIERGES
 



 

La commune de Bierges, qui se trouve près de Wavre, est aussi signalée par Wauters. Il mentionne quatre tumuli dans le bois de Bierges, sur le plateau qui sépare la vallée de la Dyle de la vallée de la Lasne; il croit qu'il y en a davantage ; on a trouvé des monnaies en or et en bronze dans la partie la plus élevée du bois.
 
WAVRE
 
 
Wavre est une petite ville intéressante à divers égards. Nous n'avons à l'examiner que sous un seul aspect. Aussi ne parlerons-nous ni de sa massive église, ni d'aucun autre de ses monuments.
Des médailles romaines ont été trouvées au bois de Beumont et des tombes existaient jadis non loin de là; l'une d'elles a donné son nom au champ de la Tombe, qui s'étend à l'est de la ferme des templiers et au ruisseau de la Tombe.
M. Alfred Becquet, le savant directeur du musée de Namur, a trouvé au bois de Beumont en août 1887 une hachette polie de 0 m. 07 sur 0 m. 06 qui est en la posses­sion de M. Matagne, son parent. Celui-ci possède aussi un bel aiguiseur de 0 m. 10 sur 0 in. 07 et 0 m. 02 d'épais­seur, taillé en biais offrant des traces d'usure, trouvé au même lieu en 1880.
Toute la bruyère St Job au sud de la ferme de l'Escaille est parsemée de tumuli presqu'effacés, mais dont on peut encore reconnaître l'emplacement aux mouvements de terrain. M. Wauters a fouillé jusqu'au sol vierge le plus rapproché de la ferme ; il avait 15 mètres de diamètre sur 1m50 de haut; il n'y a trouvé que des cendres et des os calcinés. M. Stassin, fils, a été plus heureux dans une fouille qu'il a faite aux mêmes lieux ; il a recueilli plusieurs vases de forme assez curieuse, des fragments d'épée et de fibules en bronze et une pièce extrêmement importante, ce qu'on nomme un rasoir en bronze. Je dis ce qu'on nomme, car, de l'avis des archéologues les plus compétents, cet instrument ne devait pas servir à cet usage, il suffit d'un simple examen p' our s'en convaincre. Cette découverte caractérise bien l'âge de ces tombes et vient à l'appui de ce que j'ai avancé sur le cimetière de Court-St-Etienne. J'espère que M. Schuermans n'aura plus de doute à cet égard (1).
Ces tumuli se rencontrent de même sur le territoire de Dion-le-Val et se montrent encore sur un second point du territoire de Wavre, au bois du Tour, où il y en a quelques-uns au nord de la route de Wavre à Perwez et trois autres au sud de cette route. A l'ouest de la ferme de l'Hôtel, à environ 200 in., sur un terrain incliné à l'est, le sol est couvert de tuileaux, de carreaux et de débris de ciment romain.
Des tumuli existent encore près de Tombeek, où l'on a trouvé une quantité de fers de cheval de petite dimension.
Le beau plateau d'Ottenbourg en présente également. M. Galesloot rappelle que en août 1431, dans une chasse .que fit Philippe-le-Bon, un cerf trouva la mort aux Tombes d'Ottembourg «. (2) C'est probablement à ces tombes que M. Wauters veut faire allusion lorsqu'il dit : non loin de l'emplacement d'autres tumuli qui se voyaient à Ottenbourg, se trouve le hameau de Stadt ou la ville, dont la dénomination remonte à plusieurs siècles. Ce vaste plateau a fourni une grande quantité de silex, qui ont enrichi les collections des amateurs de Bruxelles et surtout de M. C. Vanoverloop.
Près de là est la belle ferme de Bilande, occupée par Madame veuve Everaerts et son fils; celui-ci a remis à M. Bulkens, son parent et alors conservateur du musée archéologique de Nivelles, lors d'une excursion que nous fîmes ensemble, toute une collection de silex, parmi lesquels se trouvent de très belles lames de couteaux et de scies, ainsi qu'une grande variété de beaux grattoirs. Nous avons à remercier nos hôtes de leur don et de leur généreuse hospitalité; on ne trouve pas seulement de beaux silex dans la vallée de la Lasne, mais aussi d'excellent bourgogne offert du meilleur coeur.
Avant d'abandonner le territoire de Wavre, citons encore quelques silex que nous avons trouvés entre la ville et le château de la Bawette, appartenant à M. Ad. le Hardy de Beaulieu. Son fils a trouvé aussi une hache polie dans son parc.
 
 

DION-LE-VAL




 

M. le marquis de Wavrin et M. Depauw, conservateur du musée de l'Université libre de Bruxelles, ont trouvé, entre Wavre et Dion-le-Val, une pierre, polie sur toutes ses faces, en grès tendre, mesurant 0,40 sur 0,15 et 0,10 d'épaisseur; elle était brisée en plus de 800 morceaux placés symétriquement autour d'un foyer au centre d'une tombelle fouillée. M. de Wavrin possède une des plus belles collections qui se trouvent en Belgique de haches polies et de pointes de flèches à ailerons de toutes formes, provenant des environs. Je me suis demandé si la présence de tant d'instruments de luxe trouvés dans ces parages n'indiquerait pas l'existence de dolmens qui auraient disparu; je crois, malgré l'opinion de M. Fergusson, qu'il


en existait assez bien en Belgique, mais depuis tant de siècles on les aura détruits, soit parce qu'ils étaient .un obstacle à la culture, soit qu'on voulait en utiliser la matière.
M. de Wavrin possède aussi d'autres objets en bronze et une belle grande épée en fer trouvée dans des tertres des environs; les bois qui forment la lisière occidentale de Dion-le-Val sont parsemés de tumuli ; il y en a dont les dimensions sont remarquables, notamment deux, dont l'un a environ 20 mètres de diamètre, sur 2 m. 50 de haut; l'autre 12 mètres de diamètre sur 1 m. 50 de haut.

 


DION-LE-MONT
 



 

 
A Dion-le-Mont existent des substructions très étendues et l'on a découvert des tuiles romaines, ce qui indique l'existence d'une villa.

 

CORROY-LE-GRAND
 



 

 
A 550 mètres sud-ouest de l'église de Corroy-le-Grand, au bord oriental du chemin qui conduit au moulin à vent vers Corbais, se trouve le champ de la Tombe. Il existe un tumulus que la tradition dit avoir été plus considé­rable et qui n'a plus que 1 m. 50 sur 30 de diamètre. .
Il est d'observation que les grands tumuli, développés en hauteur, appartiennent à l'époque romaine. Celui-ci serait-il de cette époque? un tombeau romain a été découvert à 800m. de l'église; un puits, formé de moëllons marneux superposés, sans ciment, de 1 m. de diamètre contenait, sur un lit de sable doux, les objets suivants acquis par le gouvernement :
2 monnaies d'Adrien.
Une patène en verre vert de 0 in. 15 de diamètre décorée de 65 fleurs traversant la pâte d'outre en outre, à centre bleu et à corolle composée de 7 pétales verdâtres avec bordure jaune.
4 bouteilles carrées d'un verre presque blanc avec goulot rond et anse.
9 écuelles en terre rouge de grandeur différente et dont 4 portent au centre la marque du potier A Gomar oniwce ricinus et un mot illisible.
3 urnes.
3 cruches.
2 vases en terre.
Une petite cuillère d'argent.
Des globules faits d'une espèce de composition ayant la forme de pastilles blanches ou noires.
Sur la lisière du bois de Hurlebize près de Dion-le­Mont, le sol est rempli de débris de constructions antiques : tuiles, briques, ciment. Ce nom de Castra, que portait jadis le village de Corroy semble indiquer que les Romains y eurent un poste fortifié.

 

BONLEZ
 



 

 
L'on voit aussi des tumuli à Bonlez, l'un dans une sapinière à 200 mètres au nord de la ferme de Gra.ndsart et deux beaucoup plus considérables, dans un bois-taillis vers la limite de Chaumont. Ces derniers, qui sont séparés par une distance de près de 50 mètres, affectent une disposition particulière : le tumulus a au centre 18 mètres de diamètre, sur 2 m. 50 de hauteur; il est
entouré d'un terre-plein de 5 mètres de largeur, qui, à son tour, est protégé vers l'extérieur par une circonva­lation de 8 mètres de largeur sur 1 m. 50 de hauteur. Ces tumuli, qui paraissent avoir servi de monuments religieux, dit Wauters, ou de lieu de réunion, plutôt que de sépulture, sont situés à 1300 mètres de l'église sur un plateau, d'off la vue s'étend au loin dans toutes les directions.
Un 4e tumulus moins important se trouve dans une sapinière à la limite même de Chaumont et à 1500 mètres sud-est de l'église de Boulez.

 

CHAUMONT
 
 
 
A quelque distance au sud des tumuli à enceinte signalés a Boulez, à 1000 mètres environ de l'église de Gistoux, il existe d'autres tumuli. Dans le bois de Chaumont on en voit deux, dont le plus rapproché du chemin est de forme oblongue ; il mesure 40 mètres de long, sur 20 mètres de large et 1 in. 50 de haut; le second est plus effacé  un troisième est dans la sapinière voisine ; il a 20 mètres de diamètre, sur 2 mètres de haut. Un quatrième existait à l'extrémité opposée du territoire dans le champ de Bannis ; il n'en reste plus de traces. On a signalé à quelque distance, à l'est, des tumuli du bois de Chaumont, une espèce de circonvalation défendue de 3 côtés, par des coteaux escarpés, dont le pied est baigné par les marécages de la vallée du Ri du pré Delcourt de l'accès le plus difficile ; du 4e côté vers Gentisart s'étend un fossé et le long de ce. fossé règne une espèce d'enceinte dans laquelle des issues sont pratiquées à des distances égales : peut-être y eut-il la un oppidum?
 
GREZ



 

Nous nous sommes un peu éloigné de la vallée, retour­nons-y pour nous diriger vers Grez, commune importante sous différents rapports. Son territoire occupe une grande superficie ; on retrouve à Gastuche les Traces d'une ancienne voie qui vient d'Archennes et qui était proba­blement un diverticulum romain ; on y a découvert assez bien d'objets de cette époque ainsi que les substructions d'une villa.
J'ai recueilli des silex sur les hauteurs de Gastuche (1); entre Basse-Wavre et Laurensart on a mis au jour des débris de vases avec inscriptions, d'un rouge de l'éclat le plus vif, mais qui n'ont pas été conservés; c'était de la poterie samienne. En reconstruisant le pont sur le Train, au centre du bourg, on a découvert des monnaies romaines dont quelques-unes dataient du haut empire, des règnes de Claude, de Domitien et de Trajan. Dans les champs vers Bossut, à une distance de 1500 mètres entre le Bois Brulé et le vallon de Lambois existaient des substructions, mises au jour il y a 30 à 40 ans; une découverte plus importante a été faite vers 1860 au champ présenne près de Morsain dans un terrain appar­tenant à M. Rouchoux. Les ruines mises au jour s'éten­daient sur une longueur d'environ 16 mères sur une largeur de 6 mètres; elles révélèrent l'existence de salles ou plutôt de petites chambres carrées, placées l'une à
côté de l'autre ; l'ouverture des portes se trouvait au sud-est. L'emplacement, parfaitement choisi, inclinait vers cette direction; c'est ce que l'on voit généralement. On n'a découvert aucune trace d'incendie, ni d'objets mobiliers, sauf un fragment de pierre meulière; le sol des salles était en béton, couvert d'un enduit de couleur brûne; les autres grandes salles, de grandes dalles cuites ; c'étaient probablement des dalles d'hypocauste ; les murs étaient revêtus de bêton recouvert d'ornements de diverses couleurs et qui paraissaient avoir été appli­qués par estampage. Sur le côté nord-est du bâtiment, on remarque les restes de piliers placés en ligne à une distance respective d'environ 30 centimètres; ces piliers étaient formés de carreaux en terre cuite superposés et reliés avec de l'argile; dans l'espace intermédiaire existaient des débris de charbon ou menues braises. M. du Monceau, qui a dirigé la fouille, y a vu un fourneau. Sans doute c'est bien là, un hypocauste.
A partir du bâtiment vers le nord s'étendaient de divers côtés sur une longueur de plus de 100 m., des fondations de clôture en pierre brute sans ciment.
M. du Monceau a conservé 2 grandes tuiles de 0,35 sur 0,53.
2 grandes dalles de 0,40 sur 0,26.
3 carreaux de 0,22 formant pilliers.
3 rondelles dont 2 de 0,29 et 1 de 0,25 de diamètre formant les colonnettes.
Des larges briques épaisses de 02 — le fragment de meule et 9 échantillons de peintures murales.
L'analogie que présente le nom du hameau de Centri
avec celui de Centrones, l'un des petits peuples clients des Nerviens, fait supposer qu'ils ont habité le territoire de Grez et les localités voisines.
Des tumuli existent encore en différents points. Il s'en élevait un grand nombre dans le bois de Laurensart. On en nivela quelques-uns et on découvrit deux vases et une monnaie romaine. D'autres se voient encore dans le bois, formant deux groupes, l'un de 3 tombelles, l'autre de 4, séparés par un ravin s'ouvrant vers l'est; le plus méridional de ces groupes est à 1,000 mètres environ de l'église de Basse-Wavre.
Nous avons remarqué, dit le savant historien qui signale ces tumuli, deux hauteurs artificielles, l'une de 24 m. de diamètre sur 2 de haut ; l'autre, de 20 ni. sur 1 m. d'élévation, à l'angle où se confondent le territoire de Wavre, de Dion-le-Val et de Grez.
Au haut du champ de Raimont et du bois des Vallées, se dessine un autre tumulus que nous avons fouillé le 8 octobre 1863. Nous y avons trouvé, outre des cendres et des débris d'ossements, un globule de bronze.
Au sud du hameau de Hèze, à 1,500 ni. de l'église de Longueville, dans une terre en friche, à la limite de Bonlez, on aperçoit 7 tumuli dont 5 forment un demi- cercle; le 6e est placé concentriquement aux précédents, très près des 3e et 4e; le 70 est plus à l'est et à une distance de 100 mètres environ. Deux de ces tombelles, les plus considérables, mesurent 15 mètres de diamètre sur 1, 50 de haut. — Les habitants les nomment tombeaux des Romains : ils ont peut-être raison.
La commune de Grez me rappelle une petite excursion que je fis avec notre honorable président, le Dr Lebon.
Au mois d'août 1879, nous reçûmes une invitation de M. le professeur baron Michaux, à visiter une villa belgo­romaine à Nodebais, où il a sa belle campagne. Nous nous rendîmes d'abord aux vieilles carrières abandonnées de quartzite, où les collectionneurs peuvent se procurer de très beami échantillons de roches, et nous nous dirigeâmes ensuite, à travers champs et bruyères, à vol d'oiseau, vers Nodebais. Nous recueillîmes plusieurs silex taillés sur notre route, et si le temps nous l'eût permis, nous eussions fait une ample récolte : presque tous les sommets en recèlent.
Le garde-champêtre mis à notre disposition pour nous indiquer l'emplacement, nous mena dans Un chemin creux et là, dans une forte berge plantée de grands arbres, il nous découvrit une petite excavation, d'où l'on avait extrait des fragments de tuiles. On en voyait encore entre les racines des arbres. Nous parvinmes à en détacher quelques beaux fragments comme pièces de conviction, ils se trouvent au musée de Nivelles.
(1)   Voir compte-rendu du Congrès international de Bruxelles 1873, page 327
 
NODEBAIS
 
 


 Nodebais avait sans doute sa villa, elle était bien gardée par ce taillis et ces arbres à haute futaie.
Cette commune possédait aussi plusieurs tumuli, mais ils ont disparu.  Le plus beau profit que nous retirâmes de notre voyage fut un bon dîner accompagné d'excellents vins, que nous offrit notre généreux hôte et son aimable daine.
 
BOSSUT
 



 
 
En 1742, il existait à la limite de Nodebais, à peu de distance de la ferme de Beausart, un tumulus, qui est
cité dans un acte de 1321, et dont il n'existe plus de traces.
Deux ou trois autres monticules artificiels de peu d'importance ont été signalés comme se trouvant dans le bois de Beausart ; un nommé Guillaume Dagneau trouva dans sa propriété à Gottechain des poteries romaines en terre sigillée.
 
 

ARCHENNES

 
 
Revenons à Archennes. En creusant les fondements des murs du cimetière on a trouvé des tuiles romaines.
Il a existé un tumulus dans la Bruyère d'Archennes, il a disparu depuis. On a aussi découvert à 100 mètres nord-est de l'église dans la Bruyère de l'abbaye à 40 et 50 centimètres de profondeur des débris de poteries commu­nes, des tessons de cruches et d'autres objets de ce genre, mais on n'a rencontré les traces d'aucun bâtiment.
Je n'ai pu rien connaître concernant le séjour ou le passage des peuplades préhistoriques et des Romains entre Werthe-St-Georges et Héverlé. Il est probable que les sommets présenteraient aussi des silex, puisqu'onles retrouve plus loin.
M. Galesloot parle des débris de tuiles et de poteries antiques qu'il aurait remarqués dans les prairies attenant à l'ancienne abbaye de Vlierbeck près de Louvain. Cet auteur cite encore un tertre circulaire, haut d'environ 25 pieds, nommé Stakenberg à Lebbek ; les dimensions extraordinaires de ce tumulus feraient supposer une tombe romaine. En parcourant, aux archives de l'Etat, les anciens comptes de la venerie des ducs de Brabant, il a trouvé mention à différentes reprises de 7 tombes qui existaient au bois de Loobosch, près de Louvain, du côté de Velthem (ligne de Bruxelles).
Selon l'abbé Feller, il y aurait eu jadis à Héverlé plu­sieurs tombes. Voici ce qu'il nous apprend dans son itinéraire :
‘‘ Avant d'arriver au château d'Héverlé, on voit à
 gauche du grand chemin un monument digne de considération, qui atteste que ces terres, aujourd'hui unies et fertiles, n'étaient autrefois qu'un groupe de cônes de la hauteur du monument qui en marque  l'élévation. L'inscription qu'il porte n'est pas très lisible. Un de mes amis s'est chargé de la déchiffrer et de me l'envoyer. La voici : Tous ces chemins, drèves, places, terres, prairies, jardinage et autres lieux estant alentour et dépendant de ce château de Héverlé, sont restées hautes de XX pieds, lesquels, haut et puissant illme prince messire Charles Syre et pee duc de Croy et d'Arschot a fait démolir et applanir comme se voit depuis le ler janvier 1596. C'était, je crois, ajoute l'abbé Feller,• des tombes ou mottes comme on en voit dans la Hesbaye, où il y en avait autrefois bien davantage et où bientôt il n'y en aura plus; l'élévation, l'unifor­mité de ces monticules ne me permettent pas d'en douter.
L'état des lieux, dit Galesloot, ne permet plus de se prononcer aujourd'hui ; mais, non loin d'Héverlé, sur la lisière méridionale de la forêt de ce nom, on a découvert des antiquités romaines en 1849; elles consistaient en petites urnes communes qui renfermaient, d'après le dire du cultivateur qui les trouva, des ossements et des cendres. Il avait conservé deux jolies fibules en cuivre, que je m'empressai de lui acheter, ajoute Galesloot. J'ai recueilli des silex taillés sur les hauteurs de Kessel-Loo ainsi qu'à Corbeek-Loo, sur le plateau qui se trouve entre l'église et le village.
Je possède aussi une très belle pointe de flèche trouvée aux environs de Louvain.
Je n'ai pu me procurer des renseignements sur les localités qui se trouvent entre Kessel-Loo et l'embouchure de la Dyle au Denver; il est très probable qu'on y rencon­trerait des traces du passage des néolithiques.
Visitons maintenant la jolie petite vallée de la Lasne qui est en quelque sorte une dépendance de la Dyle; elle y déverse ses eaux un peu au-delà de Rhode-Ste-Agathe. La petite rivière qui a donné son nom au village, prend sa source vers Couture-St-Germain. Les quelques com­munes qu'elle arrose ont des rapports assez intimes avec celles de la vallée de la Dyle.
 
 

LASNE



 

  Déjà en 1214 ce petit village de Lasne est mentionné sous le nom de Lanna ou Lanne ; il s'écrit aujourd'hui Lasne.
M. Warsée, se basant sur les indications (le M. Mataigne, a décrit d'anciens points de défense, situés sur la. partie orientale du territoire de la commune; d'après lui, ces points de défense ou retranchements se seraient com­posés d'enceintes circulaires formant amphithéâtre et présentant au centre un monticule d'environ 15 à 20 pieds de haut. Ilà étaient entièrement en terre et offraient chacun un diamètre de près de 50 mètres ; trois de ces forts, si on peut leur donner ce nom, se trouvaient dans
le bois de la Huissière, entre Chapelle-St-Lambert et le Culot ; trois autres dans le bois des Hauts, entre Cha­pelle et Rixensart ; en les fouillant, on déterra une armure fort rouillée et une espèce de bélier.
On a aussi trouvé des silex sur les hauteurs de Cha­pelle-St-Lambert. J'ai vu chez M. Mataigne, de Wavre, une hache polie, en silex gris, de 0,17 sur 0,06, trouvée dans les sapinières de cette localité en 1885.
 
 

GENVAL
 























 

 
 

La mention à Genval d'une ruelle des tombes indique qu'il y a existé des tumuli.



RIXENSART
 





 

 
A environ 1,100 mètres N-E du château de Rixensart, il existe trois tumuli qui ont donné leur nom à la Bruyère des Tombes et au sentier des Tombes. Ils sont situés au-dessus du fond du Thivaux ; ils ont 2 mètres de haut sur 15 à 20 mètres de diamètre. Ils ont été explorés le 24 octobre 1861, par M. Juste. L'un d'eux paraissait avoir déjà été fouillé auparavant. On n'a rien trouvé dans le plus grand ; le troisième a donné un peu de cendres et de bois brûlé.
M. Juste pouvait être un excellent historien, mais il n'était pas archéologue; aussi ne doit-on pas accorder grande confiance aux fouilles qu'il a dirigées.
 

LA HULPE
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
La mention de localités dites la Campagne des Mottes, le bois des Mottes, à la Motte, constitue un indice presque certain de l'existence de tumuli. Ils ont disparu depuis longtemps. Peut-être en retrouvera-t-on un jour les traces ; ils se trouvaient au sud de l'étang de Rysdamme.
Nous venons de suivre la marche des peuplades préhis­toriques, protohistoriques et romaines clans les vallées de la Dyle et de la Lasne. Elles ont probablement atteint ainsi le Démer et peut-être même le Ruppel. Malgré les grandes difficultés que M. le Dr Van Raemdonck signale (1), ne trouvant d'autre voie que la vallée de la Dendre, pour arriver au pays de Waes, il nous paraît que ces peuplades auraient très bien pu l'attein­dre, au moyen de radeaux ; ce mode de locomotion devait leur être connu : quelques troncs d'arbres reliés constituent une embarcation toute primitive et facile dont se servent encore les sauvages. Quoi qu'il en soit, en arrivant au Demer, elles ont pû se répandre aussi dans la province d'Anvers et le Limbourg, oit l'on rencontre une quantité de Tombelles celtiques et Ger­mano-Belges.
On voit par tout ce qui précède combien il est impor­tant de faire une étude sérieuse de tous ces monuments funéraires, et de rechercher les rapports qu'ils pourraient avoir entr'eux.
Jusqu'ici des fouilles ont été faites, mais très irrégu­lièrement, sans méthode et sans soin, tantôt par l'Etat, qui en a chargé parfois des personnes incapables, nulle­ment au courant de ces sortes d'opérations, tantôt par des particuliers, qui n'étaient poussés que par un esprit de curiosité ou par le lucre, espérant d'y trouver un trésor : el gat d'our !
 
 
(I) Colonisation du pays de Waes par les peuplades du plys de Mons, ii l'époque néolithique. (Annales du cercle archéologique du pays de Waes, T. IX, 5e livraison.)
 
 
Nous avons vu avec plaisir que M. le baron de Loë, avait présenté au Congrès archéologique de Bruxelles, un voeu ainsi conçu :
“ Il est hautement désirable que l'attention des archéo­logues se porte d'une façon toute spéciale vers cette portion de temps qui s'est écoulée en Belgique entre l'époque néolithique et la conquête de César et qui constitue une lacune regrettable dans nos connaissances.
c' La 1re section souhaite qu'une exploration métho­dique et une étude sérieuse soient faites dans les tertres funéraires, appelés tombelles, dont il existe encore un certain nombre dans le Brabant-Wallon, le Limbourg et la province d'Anvers, et elle espère que le gouvernement voudra bien seconder cette entreprise. — Ce voeu a été adopté, à la majorité des voix (1).
M. de Loë parle d'un certain nombre de tombes, mais c'est par centaines qu'on pourrait les compter si on les voyait à nu.
On ne devrait pas se borner à en fouiller un certain nombre, mais toutes devraient être ouvertes, numéro­tées, avec indication de leur mobilier, comme M. de Loë l'a fait avec M. le comte de Looz-Corswarem au cimetière franc d'Harmignies.
Les indications que donne M. Wauters et que nous avons transcrites le plus exactement possible suffiraient
 
 
(1)   Voir compte-rendu du congrès archéologique et historique de Bruxelles, 1891. page 268.
 
 
 


pour opérer ce travail, qui se ferait assez rapide­ment si on avait un bon chef fouilleur comme celui de Namur. M. Becquet pourrait le prêter à la Commission sauf à le reprendre quand il en aurait besoin. Cet homme est à son service pendant toute l'année.
Je ne sais si le voeu exprimé par M. de Loë et adopté par le Congrès a été communiqué au Gouvernement; j'ignore si on s'en est occupé depuis qu'il a été formulé, mais ce que je sais, c'est que si l'on ne se presse d'agir, il en sera des tumuli comme des ruines de Villers. On agira quand il sera trop tard et quand un grand nombre auront disparu ou auront été fouillés par des mains étrangères à la science.
Nous espérons que M. le Ministre, qui a montré le grand intérêt qu'il portait à l'archéologie, complètera son oeuvre en nommant et encourageant une commission chargée de fouiller et d'étudier ces monuments qui renferment les documents primitifs de notre histoire nationale.
C'est à la Société de Nivelles à prendre l'initiative en rappelant le vœu de M. de Loë au Gouvernement; elle pourrait s'entendre avec la Société archéologique de Bruxelles.
                                                                                 
Feluy, 6 Mars 1893.