Alain GRAUX
Le sol de Feluy est surtout yprésien et hesbayen. Il permet toutes les cultures ; c’est une plaine ondulée où de nombreux ruisseaux naissent à la tête des prairies en « écope » (Pré à part, pré à la Flache, Trou sans fonds, etc.) ont entretenu anciennement des viviers nécessaires aux nombreux jours maigres en pluie. Sur les sommets on trouve du bruxellien (Claire-Haye, Tour qui Brouille). Au N-E., le dévonien a fourni des terres ferrugineuses de qualité inférieure (Rouges terres). L’argile est aussi présent (Claire-Haye).
Les surfaces cultivables sont celles héritées du passé par essartement, encloses de haies avec têtards, ceux-ci fournissent aux cultivateurs les manches de leurs outils, les perches servaient à « rencloure » les haies, leur donnaient des « hourettes » (petits bois pour leurs fagots). Ces haies servaient à abriter le bétail, à « encortiner les pâchis » et courtils, retenaient les terres lors des pluies abondantes.
L’étendue cadastrale de Feluy est de 1616 hectares .
Etendue des terres exploitées[1] :
1848 1866 1895 1910
En faire valoir direct 461,67 260 375 330,28
En location 1186,48 1254 1081,05 1074,30
Total 1648,15 1514 1456,90 1404,58
[1] Exprimées en hectares et ares, y compris les biens situés en dehors de la commune
En 1833, Philippe Vandermaelen[1] expliquait qu’à Feluy:
« Les productions du sol consistent en céréales, féveroles, foin, trèfle, luzerne, houblons et légumes. On y cultive surtout avec succès le froment, le seigle, l’avoine, peu de plantes oléagineuses. Le foin est de qualité médiocre. Il y a quelques gras pâturages, vergers plantés de pommiers et noyers, contigus aux habitations. Le sol est assez productif, à l’exception de la partie septentrionale qui s’étend vers Ronquières, où l’on trouve une terre rouge humide et graveleuse peu propre à la végétation. En général le sol est cultivé avec soin, on n’y rencontre d’autres parcelles en friche que celles qui ont été abandonnées depuis longtemps et dont la couche végétale a été enlevée pour l’extraction de la pierre calcaire, assolement sexennal, quinquennal et triennal. Elèves (sic) des chevaux et du bétail. »
Comme de nos jours, l’agriculture est sujette aux intempéries et au climat général, il constitue l’intérêt essentiel des cultivateurs.
LES PATROUILLES
En 1847, un autre sujet préoccupe les agriculteurs, en effet, la misère de la classe ouvrière était à son comble, les cultivateurs étaient outrés par les vols fréquents effectués dans leurs champs.
Le 24 juillet, le conseil communal institua un service de patrouilles organisées pour la conservation des récoltes. Neuf patrouilles composées de cultivateurs, sont astreintes à un service d’une journée et surveillent chacune un à trois hectares de cultures sous la conduite d’un chef nommé par l’administration communale à qui ils doivent remettre une liste des cultivateurs habitant leur partie de section. Ceux-ci furent :
Section A. 1ère partie : Jacques Durant
2e partie : Alexis Jurion
Section B. 1ère partie : Herman Delbruyère
2e partie : Eugène Soupart
3e partie : Louis L’Olivier
Section C. 1ère partie : Jean-Baptiste Piron
2e partie : Nicolas Bruyère
Section D. 1ère partie : Joachim Jurion
2e partie : Constant Dubois
Dans ces années là, l’histoire des agriculteurs est des plus intéressantes.
LA SOCIETE CANTONALE D’AGRICULTURE
Les nombreux rapports que les fermiers eurent entre eux suite à la constitution des patrouilles fit qu’on voulut créer une société d’émulation pour le perfectionnement de l’agriculture, tant par rapport à l’application et au perfectionnement de ses méthodes diverses, que par rapport à l’amélioration des différentes races d’animaux domestiques.
Elle s’occupa de la législation qui se rattache à l’hygiène vétérinaire.
Les membres devaient s’engager à faire connaître toutes les inventions, procédés nouveaux et expériences relatives à l’agriculture. Ils devaient aussi faire part des épizooties et donner leurs avis sur les causes probables de la maladie.
La société d’agriculture eut trois moyens d’actions : les expériences, les assemblées et les encouragements.
[1] Philippe Vandermaelen (1791-1869), est un éminent géographe et cartographe, célèbre pour un Atlas universel qui fait autorité, et pour avoir fondé l'Établissement Géographique de Bruxelles à Molenbeek-Saint-Jean. Philippe Vandermaelen établit de nombreuses cartes de haut niveau scientifique, à des échelles basées sur le système métrique récemment introduit en Belgique[1]. Cet institut était également doté de l'équipement lithographique parmi le plus moderne. Il est notamment l'auteur, en 1866, d'une carte de la Belgique au 1/20 000 en couleurs, très appréciée. L'initiative de Philippe Vandermaelen incarne une révolution cartographique dans le cadre de la jeune nation belge
La société avait des membres effectifs (habitants du canton épousant les intérêts de l’agriculture) QUI DEVAIENT PAYER 5 Fr. de cotisation annuelle, et des membres correspondants (Personnes étrangères au canton).
Les membres étaient divisés en deux sections :
- Amélioration des races et hygiène vétérinaire.
- Agriculture et horticulture.
Lors de son institution, les membres fondateurs décidèrent qu’il y aurait chaque année un concours pour chaque section. Des médailles récompenseraient les lauréats. Le concours des céréales, plantes légumineuses et fruits aurait lieu le dimanche avant la fête de Nivelles. La remise des médailles se fera avec solennité et sera suivie d’un banquet.
La société créa un règlement lors de son assemblée du 26 novembre 1848, il fut édité en 1849 par l’imprimerie Laurent-Dufourny de Seneffe.
Le bureau fut composé comme suit :
Président : D. du Bray, conseiller provincial, de Seneffe.
Vice-présidents : Eugène Pennart, bourgmestre de Feluy
Fernand Wilmet, agronome et membre de la commission provinciale d’agriculture, de Familleureux.
Le secrétaire-trésorier fut le médecin vétérinaire de Feluy, D Bary.
Membres du comité : Jean-Baptiste Badart, bourgmestre de Petit-Rœulx-lez-Nivelles
Joseph Dubois, bourgmestre d’Arquennes
Georges de Burlet, ancien officier de cavalerie, propriétaire à Rêves.
La société comprenait 103 membres. Ceux habitant Feluy étaient :
Bary D.D., médecin vétérinaire Jurion Alexis, cultivateur
Brassine G., maréchal-ferrant Jurion Joachim, cultivateur
Cloquet J., secrétaire communal Laurent Adolphe, cultivateur
Cloquet N., docteur en médecine Liénard Emmanuel, meunier
Delalieux-du Bray, propriétaire L’olivier Louis, cultivateur
Delamieux Emmanuel, propriétaire carrier Maes G., cultivateur
Delalieux Eugène, propriétaire carrier Marcq A., rentier
Delalieux Nicolas, négociant Nopère Léopold, propriétaire
Delalieux Robert, fils, à la Rocq Pennart Eugène, bourgmestre
Delalieux Victor, fils Pennart L., propriétaire
Delbruyère Herman, cultivateur Piron J-R., propriétaire carrier
Delbruyère Nicolas, pharmacien Soupart Eugène, cultivateur
Delsart Charles, jardinier Soupart J. cultivateur
Denis Henri, fils Soupart Grégoire, échevin
Dulier Ad., meunier Spinette P.J., cultivateur
Dumortier Jean-Baptiste, notaire Voituron P., propriétaire et receveur
Dutillieu Th., cultivateur Zerque P.J., brasseur
Félix Antoine, brasseur Zerque Valentin, fils
Gorez H., cultivateur
En 1849, la société d’agriculture de Feluy ouvrit une souscription pour l’achat d’un cheval reproducteur destiné à être tiré au sort entre les exposants su concours de juin 1850.
En mai 1849, la souscription s’élevait déjà à 400 Fr.
LES RECENSEMENTS AGRICOLES
C’est en 1848 qu’eut lieu le premier recensement agricole des communes belges. Il donne la situation exacte des récoltes en kilogrammes par étendue des surfaces cultivées.
En 1858 eut lieu un état de la population, il renseigne[1] :
1) Division des habitants sous le rapport des professions :
Cultivateurs ; H. F.
71 4
Personnes faisant partie du ménage :
a) Exerçant une profession 61 19
b) N’exerçant pas de profession 69 141
Total : 201 164
2) Division des habitants considérés au point de vue individuel :
H. F. Total
Cultivateurs : 131 23 154
Bergers 3 - 3
Journaliers et ouvriers agricoles 150 32 182
Personnes occupées aux travaux agricoles (comprenant les membres de la famille depuis l’âge de 12 ans) :
H. F.
1848 469 463
1898 130 233
Domestiques et journaliers
1848 41 37
1895 66 30
L’importance du travail journalier n’a été soulignée qu’en 1848 :
Nombre de journées de travail des journaliers :
H. F.
68.799 39254
LES EXPLOITANTS EN FAIRE VALOIR-DIRECT ET EN LOCATIONS
Exploitations 1848 1866 1895
Propriétaires Locataires Propriétaires Locataires Propriétaires Locataires
- 25a et au dessus 85 242 64 246 140 430
De 25a à 50a 7 13
De 51a à 1ha 40 14 11 14 5 12
De 1ha à 2ha 5 11 10 14 5 13
2ha à 3ha 4 13 11 15 7 13
3ha à 4ha 4 11 3 13 2 6
4ha à 5ha 4 2 1 5 - 11
5ha à 6ha 4 3 1 5 - 11
9ha à 10ha 1 2 1 8 5 6
10ha à 15ha 4 5 - - - -
15ha à 20ha 2 6 4 10 2 -
20ha à 25ha 1 4 - - 2 -
30ha à 35ha 2 3 - 4 - 9
35ha à 40ha 1 - 1 3 1 1
45ha à 50ha - - 1 1 1 -
+50ha - 2 - - 5
[1] On peut comparer ces chiffres par rapport aux recensements agricoles effectués en 1848, 1866, 1880 et 1910, ils n’ont pas été effectués sur un même modèle, les relevés manquent parfois de données pour certaines années. L’ensemble de la population agricole est mal connu car il n’a été effectué qu’en 1848 et en 1895
LES SALAIRES
On connaît le salaire des ouvriers agricoles pour certaines années. On constatera qu’il a très peu évolué au cours du XIXe siècle :
Avant 1848 1848 1890 1895
Avec nourriture - - 1,25 Fr. 1,25 Fr.
Sans nourriture 2 Fr. 2 Fr. 2 Fr. 3 Fr.
Salaire des femmes
Avec nourriture - - 0,8 Fr. 0,8 Fr.
Sans nourriture 1 Fr. 1Fr. 1,25 Fr. 1,25 Fr.
LES CULTURES
Au regard des chiffres sur la répartition des cultures, on s’aperçoit que la culture du trèfle a diminué de 147 ha à 28 ha . Cette tendance se voit aussi pour les prairies fauchées et l’étendue des bois. C’est que les carrières s’étendent de plus en plus, amenant ainsi toujours plus de personnel, ce qui montre une progression de la construction d’habitations au détriment des pâturages.
Pour ceux-ci il y eut un regain vers la fin du siècle, car la fondation d’une laiterie coopérative, chemin de Renissart à Feluy, y fut pour quelque chose. Elle fut fondée en 1898 et était dirigée par M. Desmet. Elle fonctionna jusqu’à la première guerre mondiale.
La culture de la betterave sucrière était inexistante dans nos contrées au début du XXe siècle. Elle apparaît timidement vers la moitié du siècle et fait un bond spectaculaire entre 1880 et 1895.
Maître carrier, qui sera bourgmestre de Feluy. Cet établissement cessa ses activités vers 1900.
Le recensement de 1910 montre que les terres cultivées avec des betteraves sucrières retombent alors à 35 ha .
Il est intéressant de remarquer qu’on ne cultive pas de blé dans le village. Si le froment et le seigle sont largement répandus au début du siècle, ces cultures diminuent progressivement au fil du temps.
Les plantes industrielles et cultures dérobées n’ont jamais eu un impact très grand auprès de nos cultivateurs. Seule la pomme de terre atteint un chiffre important, mais on sait le poids qu’elle prit dans l’alimentation des masses populaires.
On a très peu de renseignements sur les amendements donnés aux terres. On sait simplement que vers 1895 on utilisait à Feluy 339 à 500 Kg de chaux pour les engrais azotés, 6.500 kg de nitrate de soude et 6.300 kg de poudre de sang/cuir.
Pour les engrais phosphatés, on utilisait 57.000 kg de scories et 2.200 kg de super phosphate.
Quant à l’utilisation de machines agricoles, on dénombre à la même époque
Cent tarares
Deux trieuses à grains
Sept coupe-racines
Vingt-huit hache-pailles
Deux concasseurs de grains.
DENOMBREMENT DES ANIMAUX
1845 1846 1866 1880
Chevaux -3 ans 51 46 79 86
+3 ans 240 257 289 276
Anes 2 2 6 4
Bêtes à cornes[1]
-- de 2 ans 112 119 159 211
Taureaux 4 4 2 4
Bêtes à laine
- 1 an, moutons-brebis 80 101 93 41
+ 1 an 290 294 144 62
Chèvres 13 11 41 44
Ruches - - 32 33
L’apiculture n’eut jamais un grand retentissement auprès des fermiers.
Fernand de Lalieux de la Rocq possédait un rucher au château de Miremont.
Il créa une société apicole, section d’une fédération qui s’étendait sur le Hainaut et le Brabant. Il en sera le président, aidé de M. Vandenbroecke, de Seneffe, et du pharmacien André (celui-ci habitait l’actuelle Maison du Peuple).
La société participait à des concours et on y donnait des conférences.
Il n’y avait à Feluy que deux extracteurs centrifuges pour le miel.
[1] En 1848, il y a 20 vaches employées comme bêtes de trait
[2] En 1895, il y avait à Feluy 119 barattes pour faire le beurre et 5 presses à fromage
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