UN POETE SURREALISTE
ARQUENNAIS : PAUL COLINET
Paul Colinet, écrivain, poète et dessinateur, est né à Arquennes le 2
mai 1898, dans une famille qui exploitait la pierre.
Entre 1910 et 1912,
il séjourne à Lierre, maitrisant ainsi le néerlandais.
Il rencontre en
1934 les surréalistes Magritte, Scutenaire
et Mesens[1].
En 1935, il participe à l’exposition
surréaliste de La Louvière
Il édite entre
autres en 1945, « Le ciel bleu »hebdomadaire
littéraire pour tous » qui, par manque d’argent, fut abandonné après 9
parutions
Il collabore à
"La terre n'est pas une vallée de
larmes" puis, en 1946 et 1947, à la revue "Les
deux sœurs" de Christian Dotremont, ainsi qu'à la revue
"Les Quatre Vents".
En 1949, il dirige
la publication de « Vendredi »,
les surréalistes Mariën, les frères, Dotremont, Chavée, Irène Hamoir, y contribuent. Cent numéros
manuscrits seront écrits.
Contrairement aux
surréalistes en Hainaut, Paul Colinet ne s’engage pas sur le plan politique.
Paul Colinet décède
à Forest le 23 décembre 1957
Bibliographie de Paul Colinet
Marie Trombonne, chapeau buse, poème
mis en musique par Paul Magritte 1936
Le chemin perdu, poèmes mis en
musique par Henriette Harlez 1936
Les histoires de la lampe 1942
La nuit blanche 1945
La maison de Vénose (en
collaboration avec Marcel Piqueray) 1947
La bonne semence (en
collaboration avec Marcel Piqueray) 1947
Ecriture 1947
Les naturels de l’esprit 1947
Quelques textes inédits (Préface
de Louis Scutenaire) 1952
La manivelle du château 1954
Après sa mort de
nombreuses œuvres furent publiées
La lampe du valet de pique (Préface de Louis Scutenaire) 1963
Le délégué de la Guadeloupe (en
collaboration avec Marcel Piqueray) 1964
Vilaine et Réséda 1966
Les Tsiganes du paillasson 1970
Les écritures d’Octavion de Pleineboule 1971
Une carrière idéale 1975
La cantate (en collaboration
avec Marcel Piqueray) 1976
Les chanteurs de rue 1986
Voici en quels
termes le « Dictionnaire des lettres françaises », de Robert Fricx et
Raymond Trousson, parle de Paul Colinet :
HISTOIRES DE LA LAMPE (LES)
Recueil de poèmes
de Paul Colinet (1898-1957), publié en 1942.
« Souvenirs brouillés
de l’âge d’or » comme les définit Paul Colinet lui-même, les poèmes que
les éditions Ça ira publient en 1942 sous le titre Histoires de la lampe pourraient s’inscrire (tout comme la vie du
poète, par ailleurs paisible fonctionnaire communal) sous la conjonction des
signes de la Terre et du Feu. De la mémoire et du jeu.
De son enfance, en
effet amarrée aux collines du village d’Arquennes (Hainaut), Colinet scrute les
ombres, explore les dédales et vide les coffres, comme d’un château étrange
(« château d’osier », « château d’ailes », l’image –
parfois suggérée –apparaît dans maints poèmes) où le temps se serait arrêté
pour toujours « un beau jeudi de gel et de fille nue sur la paume du
pays ». Car ce n’est pas innocemment que l’on devient l’ami de René et
Paul Magritte, ni le compagnon de route – très indépendant : il n’en
signera jamais les tracts – des surréalistes. La nostalgie tranquille du
spirituel auteur de la Manivelle du
château (1954) serait peu de chose sans le brouuillage délibéré qu’impose à
ses souvenirs un singulier complot des mots qui bouleverse l’Histoire et
s’ouvre à la fable.
Ainsi le
pétillement de cette poésie tient précisément, en vertu des principes chers aux
surréalistes, à l’abolition radicale de toute contradiction entre réel et imaginaire.
Paul Colinet
invente ses souvenirs avec une généreuse fantaisie, également confiant dans la bonté du monde et dans celle du
verbe. L’ébranlement du sens que d’aucuns thématisent par la violence ou par le
tragique se traduisent ici par la joyeuse absurdité des êtres et des choses
dans un désordre savamment orchestré Colinet connaît l’art du portrait insolite
(du « Grand poussiéreux » au « Vitrier des orfraies ») et
si les vingt-sept invocations de sa « Litanie de la
pluie » ou « le chapitre des Ciels »
font de lui un maître de l’énumération poétique - un genre que priseront bon
nombre de pataphysiciens – il excelle tout autant dans les courtes fables
extravagantes dont quelques titres expriment à eux seuls la douce folie :
« le jardin des décalcomanies », « la berceuse du Petit
Benef » ou « Maison d’une Ursule calligraphiée ». Citons, dans
cette veine farfelue, les récits de La
nuit blanche (1945) dont les perles
verbales, les contresens délibérés et les clins d’œil donnent la mesure de la liberté
imaginative de leur auteur. Rien d’étonnant, dès lors, à ce que l’adjectif
« drolatique » - si expressif pour caractériser les nombreux dessins
dont Colinet émaille ses recueils –advienne si souvent à la bouche de ce
champion de « l’humour vert ». Créée pour un numéro spécial de la
revue Phantomas dont il est un
fervent collaborateur, cette dernière expression traduit à souhait l’optimisme
foncier d’une inspiration que ne teinteront jamais ni mélancolie ni angoisse
Fût-elle cruelle, son ironie elle-même ne procède jamais que d’une insolente
intelligence du bonheur.
Que l’on ne s’y
trompe pas pourtant, Colinet l’espiègle –Paul Merveille disait de lui Irène
Hamoir – se révèle dans le même temps le plus minutieux des stylistes. S’il
n’hésite pas, en effet, à se jouer de la complicité spontanée des mots –
homophonies ou légères altérations vocaliques ou sémantiques (« Le rideau
de la méduse », « La Bougainvieille ») -, Colinet –grand
piocheur des dictionnaires comme son ami Louis Scutenaire – puise dans sa vaste
érudition lexicale les mots rares qui donnent à ses images tantôt familières,
tantôt secrètes et presqu’hermétiques (comme peuvent l’être quelques fois les
jeux de l’enfant solitaire) une tonalité originale, élégante et impertinente à la fois. Joyeux inventeur des mots, le
poète répugne toutefois aux néologismes de la langue contemporaine, trop
fonctionnels, leur préférant la saveur de vocables désuets (voire archaïques)
ou la sonorité de trouvailles chatoyantes.
Cette passion pour le verbe ne cesse, notons le, d’être
mise à l’épreuve jusque dans l’expérimentation poétique en flamand ou en
anglais : de lamp van de schuppenzot
– la lampe du valet de pique – paraît en 1967, avec une traduction
française d’evelyne Deknop-Kornelis,
tandis que Filchings for annoyed birds –
Petits larcins pour oiseaux contrariés et To Jim Frater sont publiés respectivement en 1973 et 1978.
Indéniablement,
Paul Colinet qui inaugura les « Poquettes volantes » du Daily-bul
avec les poèmes de Vilaine et Réséda,
eut beau donner dans cette collection La
preuve par neuf de (s)on ignorance universelle, le fondateur de l’éphémère
revue Ciel bleu et le poète du Grand double n’en demeure pas moins un
guide sans pareil sur les « petits sentiers de la berlue »
Bibliographie
KINDS E., Portrait souvenir de Paul Colinet, dans
Montagnet et Desgosses (Docteurs), Dictionnaire
de médecine amusante, Bruxelles, 1971.
P. Colinet. Œuvres I et II
(Préface de Louis Scutenaire), Bruxelles 1980 et 1986.
[1] Rassemblés autour du peintre René Magritte (1898-1967)
et de Paul Nougé (1895-1967),
les surréalistes bruxellois, où apparaissent notamment Camille Goemans (1900-1960),
E. L. T. Mesens (1903-1971), Marcel
Lecomte (1900-1966) et le musicien André Souris (1899-1970),
développèrent leurs premières activités à partir de 1924 mais ne se
constituèrent en groupe que vers 1927. C'est à cette époque que les rejoignit
aussi Louis
Scutenaire (1905-1987). D'autres vinrent encore par la suite,
comme Paul Colinet (1898-1957) ou Marcel Mariën (1920-1993),
auquel on doit aujourd'hui l'édition de nombreux textes et documents concernant
ce mouvement (tel le gros volume, L'Activité surréaliste en Belgique,
Bruxelles, 1979).
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