Alain GRAUX
Dès 1549, 0n retrouve le lieu-dit "La Houbelonnière tenant aux warrischaix du Perwez". Des textes mentionnent des houblonnières à la ferme de l'Escaille, à la ferme d'Ansielsart, au château. D'après le 1er cadastre de Feluy, une vingtaine de parcelles produisaient du houblon ; elles s'étendaient sur
Le recensement général de l'agriculture établi en 1846 renseigne que pour les
Ceci montre une stagnation des surfaces occupées par la culture du houblon, 0n ne sait dans quelles proportions celle-ci était employée pour les brasseries locales.
Il ne faut en moyenne que 5 grammes de houblon par litre de bière ; la production feluysienne ne pouvait donc suffire à alimenter que 240,000 litres de bière, soit 2400 hectolitres en 1846 Si l'on considère le recensement de l'industrie et du commerce de l880 qui renseigne que les deux brasseries du village produisaient 5,500 hl de bière, et que, de plus, les grosses fermes avaient l'habitude de brasser elles-mêmes pour la nombreuse main-d’œuvre journalière qu'elles employaient (en 1846, les fermes de Feluy eurent besoin de 68,799 journées de travailleurs journaliers masculins et 30.245 heures pour les femmes), 0n se rend compte que la production agricole du village n'était pas en mesure d'alimenter les brasseries locales en houblon,
Pour l'orge, la seule donnée que nous possédions est qu'en 1846 sa culture s'étendait sur l0ha 65a, produisant 25 hl de grains par ha, faisant 266 hl pour la production de cette année, tandis qu'on cultivait 291ha 34a de froment qui produit par an 20 hl par hectare. L'année 1848 fut mauvaise, on n'en recueillit que 14 hl à l'hectare, faisant ainsi 4.079 hl, Les deux donnée rendent compte qu'il en était de même que pour le houblon, les brasseurs étaient obligés de s'approvisionner à l'extérieur.De tout temps, des taxes étaient dues au seigneur de Feluy. Il percevait ces taxes cn nature :
« Se peult faire payer de chaque brassin de bière qui se brassent soulz la juridiction dudit Feluy et l'Escaille, quattre lots de bière, i celuy droit ne se peult exiger d'aultre que des hostes et de ceulx qui brassent pour vendre... »
Les droits de tonlieu, chaussiage et afforages étaient dus sur les vins, cervoises et miel, étaient mis à criées et allaient au plus offrant pour le terme de trois ans.
Les premières brasseries connues sont :
En 1450, la brasserie de l’Escaille qui était gérée par des mambours. Des comptes de l'église citent en 1590 el 1642 des rentes dues par les mambours de l'hostellerie « dessous l'attri »En 1564, Mathieu Arkenne vend sa maison "Saint Jacques", dite communément « la Haillebaudoire », à Jean de Fèbvremont, celle-ci comprend une brasserie ; nous la retrouvons le 20 décembre 1660, quand Guillaume Bernard fait son testament devant Anthoine Jousneau, mayeur de la seigneurie de Bonne Espérance, il lègue « l’héritaige de la maison chambre granges estables brasserie, eddifices jardins et paschys, contenant 2 bonniers ou environ nommé la Haillebaude... ».
Passons maintenant en revue les brasseries dont l'histoire est un peu mieux connue et qui se déroule jusqu'à la seconde guerre mondiale.
1.- BRASSERIE DEVOLDER.
C'est sous cette appellation que nous reprendrons la longue histoire de cette brasserie ; histoire qui débuta au moyen-âge, puisque cet établissement était. La brasserie banale.
Le 29 juin 1500, Marie Rollant, veuve de Collart Ghodart, vend à Pierrart Ghodart, son fils, brasseur à Feluy « sept parts de rentes de l’héritaige de sa brasserie cave et entrepresure que l'on dit l’hostel au chisne… ».Nicolas Derideau, maître brasseur d'abord à Seneffe, à Ecaussines en 1669, revint à Feluy deux ans après, il loua la brasserie du Cygne et décéda en août 1683. Son frère lui succéda, car la recette de Feluy de 1684, énonce une suite de tenanciers :
« De David Derideau au lieu de la vesve Jean-Baptiste Wagnier, venant de Remy Anthoine auparavant de Georges Carnoix, doibt sur sa maison et brasserie du ceygne qu'il tient en arrentement et rendant par an au noël vingt livres tournois... »
Il est à noter que David Derideau y résidait déjà en 1676[1], car un texte de cette époque le disait « cambier, hostellain et tailleur de pierre demeurant en l’hostellerie du cygne... »
Un texte du 6 mars 178l nous apprend que Jacques Gorengne vendit « une rendre de partage qu'il a sur la maison et brassine de son frère Thomas Gorengne qui est sur sa maison jardin étable au Seigne a Feluy tenant a l'étang du château et a ledit Joseph Darkenne. "Mais une vente de la commission de Bienfaisance précise en 1801 que Thomas Goraigne doit une rente de
Dès 1796, nous retrouvons Jean Zerque comme maître brasseur. Il y paie alors
Jean Zerque épousa Marie-Thérèse Milcamp. Leur fils Pierre-Joseph naquit le 19 septembre 1793, Il continua l’activité de son père. Le 15 février 1838 il épouse, à Feluy, Angélique Dumont, fermière, née le 2l floréal an IX (11 avril 1801), Il y est qualifié de maître brasseur.
De ce mariage, il eut quatre enfants, Charlotte née en 1833, Pierre-Joseph né en 1839, Florence née en
1840, elle épousa Eugène Dejardin, brasseur à Clermont, et René né le 24 juin l835, ce dernier continua l'activité brassicole de ses parents,
En l835, les époux Zerque-Dumont firent rebâtir un bâtiment digne de leur ascension sociale. Cette demeure, que l'on peut toujours voir, comprenait une maison d'habitation (parcelle 80 du cadastre) et une brasserie occupant m’aile droite (parcelle 79)
[1] On remarquera le compte de Jan Sturbecqz, mambour de la table des pauvres de Feluy, de 1670 à 1673, qui dit :"…des hoirs Jerosme Jousneau pour leur maison et brasserie devant le moulin doibvent par an quarante sols tournois... » S'agit-il de la brasserie du Cygne ou bien d'une autre brasserie sise à proximité ? Nous ne pouvons l' affirmer avec précision.
L'ensemble construit sur 3 niveaux suivant une ordonnance classique à caractère rural, est relié par une porte cochère dont la clef de voute porte le millésime 1835, le nom de Pierre-Joseph Zerque et les initiales d'Angélique Dumont.
A gauche, la maison d'habitation est accessible par deux volées d'escaliers aboutissant à un perron muni d'une rampe en fer forgé, portant l'inscription 1839 et les initiales des propriétaires, l'entrée de la brasserie se fait par la porte cochère.
La brasserie comprend trois chaudières el deux bacs refroidisseurs en cuivre, une cuve matière en fer de fonte et trois pompes, des remises el écuries, le tout couvert en ardoises et pannes.
En 1850, des inondations firent d'importants dégâts à la brasserie.0n dut briser les vannes de l'étang pour éviter une trop forte montée des eaux.
Pierre Zerque décéda le 23 juillet 1853. Lors du partage de ses biens, la brasserie fut évaluée 46.000 Frs et à un revenu de 2,300 Frs.
René Zerque succéda à son père. 0n fit alors quelques aménagements à la maison d'habitation. Le premier étage présente un balcon avec corps de garde qui porte le millésime 1863, ainsi que les initiales de René Zerque el de son épouse Emma Huet. Ceux-ci exploitèrent la brasserie jusqu'au décès du brasseur,
Ensuite, la brasserie et l'ensemble furent exploités par les époux Nerinckx-Coupez, mais leur passage fut bref, car Guillaume Nerinckx revendit le tout le 5 décembre 1892.C'est Hippolyte Devolder, ingénieur civil, né à Thielt le 25 avril 1860, et son épouse Marie Behaegel, dite Zoé, qui rachetèrent la brasserie pour l'exploiter. Ils habitaient alors Flessingue (Hollande) et arrivèrent à Feluy le 23 novembre 1892. Ils dénommèrent la brasserie "Sainte Victoire" et firent placer l'effigie de cette sainte au-dessus de la porte cochère et décorer les espaces entre les baies des différents étages.
Un relevé fait par les allemands en 1913 nous apprend qu'à ce moment, la brasserie utilisait 23 tonnes de farine pour l'exploitation. 0n appelait la bière ordinaire "La Kwerleu". Pour des raisons de rentabilité, on n'exploita plus dans la parcelle 79, qui devint un dépôt. L'activité brassicole proprement dite se faisait dans la brasserie malterie (parcelle 76).
Zoé Behaegel décéda le 27 novernbre 1930 à Feluy. Leur fils, Maurice, né à Feluy en 1893, travailla dans l'entreprise familiale, Mais suite à son décès prématuré (8 septembre 1936), Hippolyte Devolder se retira des affaires. 11 partit à Olsene en mai 1937 et décéda le 27 juillet 1937 à Cruyshoutem.
Ses trois filles, Hélène, Claire et Alice louèrent les biens, mais l'activité de brasserie avait cessé. Elles vendirent leurs propriétés de Feluy le 20 aout 1945 aux époux Alfred Ladrière et Alphonsine Mattagne, qui en firent un atelier de confiserie.
Actuellement, le bâtiment, appartient à Mme veuve François Vankeymeulen, elle l’avait acheté avec son mari en 1967.
2._ BRASSERIE FELIX.
La brasserie dont nous parlons ici, est siruée derrière la maison d'habitation (parcelle 78 du cadastre tenant à la brasserie Devolder; elle est cadastrée n° 77.
Elle est tenue par Jean Félix, Celui-ci et né en 1771, fils de N. Felix et d'Antoinette Couteau, Nous le rencontrons d'abord comme faiseur de clous, Habitant près du « Pont à brebis », il épousa Jeanne Lebeau et devint brasseur, Il habita la maison n° 78 et construisit une petite brasserie sur l'arrière. Il décéda le 6 mai 1834. Son acte de décès le dit brasseur et cabaretier. Son fils Antoine n'exploita pas cette petite brasserie et il en créa une autre, Celle-ci devint un atelier de menuiserie (Popp).
3. – BRASSERIE LECHIEN
Appelée sous le vocable du nom du dernier exploitant, cette brasserie est située au hameau Boulouffe, dans la ferme qui fut le siège de la seigneurie du Croquet (Actuel Manoir du Capitaine),
C'est Antoine Félix, fils de Jean et de Jeanne Lebeau, qui créa cette brasserie. Il naquit, à Feluy le 29 pluviôse an VIII (1800). Il se maria à Courcelles avec Isabelle Rombaut, qui lui donna trois enfants.
Leur fils Jules travailla comme brasseur dans l'entreprise familiale. Il se maria en 1866 avec Désirée Monnoyer, de Marche-lez-Ecaussines, ou on le retrouve commerçant en l871.
Antoine Félix, né le 13 juillet 1839, travailla aussi à la brasserie. Il avait acheté les bâtiments à Charles Malbrecq, rentier à Mons, Il créa une brasserie dans la parcelle cadastrée 661a.
En 188l, c'est Martin Monnoyer qui loue la brasserie.
La brasserie fut rachetée par Léon Lechien, brasseur né à Celles, le 23 aout 1842, et son épouse Justine Dewattines née à Molembaix le 20 février 184.
La brasserie s'appelle "Saint Joseph". Les époux Félix-Dewattines l’exploitèrent jusqu'au décès de Léon Lechien survenu le 4 septembre 1913. La brasserie devint alors un haras,
4.- LA BRASSERIE DU PETIT MOULIN.
Cette brasserie est située à cheval sur les communes de Feluy et Arquennes, dans la maison appelée de nos jours "La Boisserie" et habitée par M. et Mme Philippe Collet qui l'achetèrent en 1967.
Les plans cadastraux de 1835, renseignent que c'était alors un cabaret tenu par Jean Vray de Feluy. Les plans Popp de Feluy et d'Arquennes renseignent que cette demeure, formée de plusieurs maisons juxtaposées, appartenait à Louis Léon Taminiau, brasseur :
Parcelles : Arquennes Art 234 371a maison
371b maison, partie de brasserie Feluy Art 422 248a partie de brasserie
248b jardinLeur second fils, Emile, aida sa mère dans la brasserie familiale jusqu'en 1990, date de son mariage.
C'est le brasseur Lescart qui succéda aux De Keyn.
5.- BRASSERIE DU PROGRÈS.
La ferme de Crombize, propriété de la famille de carriers Capitte, devint dès la fin du XIXème siècle, le bien de Léopold Petit (né à Feluy le 4 août 1844, rentier) et de son épouse Marie Tinsy, Ceux-ci eurent deux filles : Victorine et Ida.
Ida Petit épousa, à Feluy, le 16 avril 1900, Emile Dekeyn, maître brasseur né à Arquennes le 17 octobre 1874, Celui-ci travaillait avec sa mère à la brasserie de la rue de Crombize, sise au Petit Moulin. Dès novembre 1904, il exploita pour son compte une brasserie dans la propriété de ses beaux-parents. On appela l’exploitation "Brasserie du Progrès",A la requête des allemands, il déclara 16 tonnes de farine à l'occupant en 1913.
Cette brasserie fut la première de Feluy où l'on mit la bière en bouteille.
Il décéda le 1er janvier
4.- BRASSERIE-MALTERIE ZERQUE
Nous l'appellerons ainsi sans savoir si jamais elle prit ce vocable.
Au début du l9ème siècle, le brasseur Jean Zerque fit bâtir le bâtiment cadastré 76 à proximité de sa brasserie. Ce bâtiment avec cour était en retrait du chemin. Il servit de dépôt pour sa production, dépôt toujours utilisé en 1863 lors du partage de ses biens :
«... un bâtiment servant de magasin..". Le plan Popp le reprend toujours ainsi. C'est René Zerque qui changea la destination du bâtiment en le transformant en brasserie- malterie.
Celui-ci est remis en alignement avec les autres bâtiments. La brasserie est repartie sur quatre niveaux, suivant le principe de la cascade assumant toutes les opérations depuis le maltage jusqu'à la mise en fûts, le quatrième niveau étant réservé à la malterie, L'acheminement des matières premières par deux passantes situées en façade, pour la ventilation indispensable au malt, on avait prévu une cheminée munie d'un chapeau.
La société s'appelle maintenant "Zerque et consorts". La nouvelle malterie est exploitée par leur voisin Antoine Félix,Quand Hippolyte Devolder prit ses activités, il racheta tout l'ensemble des bâtiments et vers 1912, il fit aménager un deuxième chapeau de ventilation pour la malterie.
La nuit de la St Sylvestre 1939-1940, la brasserie-malterie prit feu. Le bâtiment a été rasé.
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