samedi 26 mars 2022

LES VERRERIES DE SENEFFE

 

LES Verreries de Seneffe

                                                                                                           Alain GRAUX                                                                                                                                                   

Le 29 mai 1764, Julien Depestre, comte de Seneffe et de Turnhout constitua une société en commandite simple pour l’établissement d’une verrerie à bouteilles, verres à boire et vitres, dans le village de Seneffe. Il fit appel à deux verriers connus de Lodelinsart, Jean-Baptiste[1] et Edouard[2] Falleur. Ceux-ci sollicitèrent du Conseil des Finance l’autorisation de l’établir : L’octroi de l’impératrice Marie-Thérèse fut édicté le 13 février 1764 :

« Marie-Thérèse par la grâce de Dieu impératrice des Romains etc. à tous ceux que ces présentes verront, salut.

Reçu avons l’humble supplication et requête de Jean-Baptiste et Edouard Falleur, cousins habitant de Lodelinsart, par laquelle ils nous supplient de faire dépêcher nos lettres patentes s’octroi pour l’établissement d’une verrerie à Seneffe, village de notre Duché de Brabant, sous les faveurs et avantages suivants :

-          Que tous les matériaux servant à la composition du verre qu’ils tireront des provinces voisines où à l’étranger de même que tous les verres fabriqués à la verrerie à établir seront exempts de tous droits de tonlieu, d’entrée, de sortie et autres sous la simple déclaration des suppliants ou de l’un d’eux.

-          Que tous les matériaux servant à la construction de ladite verrerie qu’ils tireront de nos comtés de Hainaut et de Namur, seront également exempts des droits de tonlieu et d’autres s’il y en a.

-          Que les bouteilles et les verres fabriqués à ladite verrerie seront exempts dans ledit village de Seneffe, de guet et de garde, logement de gens de guerre et de toutes les charges personnelles.

-          Que les suppliants, leurs souffleurs et les ouvriers seront exempts dans ledit village de Seneffe, de guet, de garde, logement de gens de guerre et de toutes charges personnelles.

-          Que nul des souffleurs ou ouvriers pourra sans le consentement par écrit des suppliants, quitter leur verrerie avant d’avoir achevé le terme pour lequel il aura été engagé, à moins qu’il n’en ait de justes causes parmi lesquelles ne sera point comprise l’augmentation de salaire, à peine de tous dépens, dommages et intérêts et autre peine arbitraire.

-          Que personne ne pourra débaucher lesdits ouvriers ou les employer sans le consentement par écrit des suppliants, à peine d’être contraint de la rendre de cent écus d’amende, outre la privation de toutes grâces et faveurs leur accordée par le Gouvernement.

 SAVOIR FAISONS, que Nous, les choses susdites considérées et inclinant favorablement à ladite supplication et requête avons de notre certaine science, grâce spéciale et puissance absolue, par avis de nos très chers et féaux le trésorier général, conseillers et commis de nos Domaines et Finances, et à la délibération de notre très cher et très aimé beau-frère et cousin Charles Alexandre administrateur de la Grande Maison en Prusse…Duc de Lorraine et Bar etc. Lieutenant, Gouverneur et Capitaine général de nos Pays-Bas, octroyé, consenti, et accordé comme nous octroyons, consentons et accordons aux dits Jean-Baptiste et Edouard Falleur d’ériger en notre village de Seneffe en notre Duché de Brabant, une verrerie à fabriquer des verres en tables, bouteilles ou autres, pour par eux en jouir, leurs héritiers ou ayant cause à condition néanmoins qu’ils mettront leurs usines en dedans un terme de un an et qu’au cas où ils discontinuent d’y faire travailler pendant l’espace d’une année, ils seront déchus de notre présente grâce et de tous les effets d’icelle, si nous le trouvons à propos ; leur accordons et à leurs maîtres souffleurs l’exemption des guets et gardes de même qu’aux simples ouvriers qui seront employés à la dite manufacture, dont aucun ne pourra quitter les impétrants sans leur consentement par écrit pour passer au service d’un autre fabricateur de verres, à moins qu’il n’en ait de justes causes, parmi lesquelles ne sera point réputée l’augmentation de salaire et que personne ne pourra débaucher les mêmes ouvriers à peine d’être contraints de les rendre et de payer cent écus d’amende ; Voulons que les propriétaires des verreries qui s’émanciperont de débaucher les ouvriers des autres auront au surplus, incontinent, déchus de toutes les grâces et faveurs leur accordées par nos octrois ; Nous déclarons en outre que les matériaux et bois que les impétrants tireront des Comtés de Namur et d’Hainaut pour la construction de la dite verrerie, ainsi que les matières qui entrent dans la composition des verres, qui ne se trouvent pas dans nos Pays-Bas, de même que les verres qui seront fabriqués dans la dite manufacture soient exempts de nos tonlieux et droits d’entrée et de sortie pendant le terme de trente années, date des présentes, le tout à charge de payer à la recette de nos domaines en notre province et duché de Brabant, au quartier de Nivelles, une reconnaissance annuelle de trois livres du prix de quarante gros monnoie de Flandre la livre, à prendre cours du jour que commencera la fabrique et qu’ayant de pouvoir jouir  de l’effet des présentes, les dits Falleur seront tenus de les produire tant aux dits de nos Finances que de nos comptes pour y être respectivement vérifiés, entérinées et enregistrées à la conservation  de nos droits et hauteurs ; si donnons en mandement  à nos chers féaux les Chef Président  et gens de nos Privé et Grand conseils, à ceux  de notre Conseil des Finances et à nos chers féaux les Chancelier  et gens de notre Conseil de Brabant, aux Président et gens de notre Chambre des Comptes, et à tous autres nos justiciers, officiers et sujets, qui se regardera, que cette notre présente grâce et octroi, ils fassent, souffrent et laissent le dit Jean-Baptiste et Edouard Falleur, leurs héritiers  de mettre ou donner, ni souffrir leur être fait, fais ou donné aucun trouble ou empêchement au contraire, car ainsi nous plaît-il »[3].

 La société commanditée par le comte Depestre fut dotée d’un capital de 10.000 florins courants, il était prêté à 4% par le comte qui en prenait la moitié des profits et pertes et donnait le terrain en bail.

Les Falleur devaient diriger la construction de la verrerie ainsi que la fabrication et la vente.

Comme l’octroi n’accordait qu’un an pour la construction de la verrerie, celle-ci n’étant pas terminée, il fallut demander une prorogation d’un an au terme fixé qui fut accordée le 2 mai 1765.

La fabrication démarra enfin, mais en 1767, alors même que la mise du comte Depestre atteignait déjà le double du montant prévu, les Falleur quittèrent l’entreprise, arrêtant ainsi la production.

Le comte Depestre demanda justice au Conseil de Brabant, et après dissolution de la société, racheta en 1772 les installations, qui furent remises en activité par la création d’une nouvelle société créée le 12 janvier 1778, et mise sous la direction de Nicolas Hannon, maître verrier de Jumet[4].

Le 18 janvier 1787, il est question de la liquidation de certaines clauses du contrat de location de la verrerie au Sieur Hannon.

Le 18 janvier 1787, le comtesse douairière, Isabelle Cogels, reproche au bailli de Seneffe, de ne pas avoir fait avec Hannon un arrêté et liquidation au moment où on lui a remis la verrerie en bail, qu’il convient que ce soit arrangé avant le renouvellement du bail.

Le 3 avril 1787, la comtesse approuve la relocation de la verrerie pour un an à Nicolas Hannon, mais pose des réserves quant au journal de crédit que celui-ci demande en arrentement.

Sous le régime hollandais la verrerie est dirigée par Charles Ledoux, maître verrier de Jumet.

Le 7 mai 1833, devant Me. Charles-Ursmer Staquez, notaire à Fayt, la verrerie est acquise par François Emmanuel Houtart-Cossée[5] pour le compte de la société anonyme « Verrerie de Mariemont » [6].

Le conseil de la société décide la vente le 6 mai 1836 pour une somme de 6.000 Fr., il n’y est plus question que d’un bâtiment et un terrain situés à Seneffe. Vers cette date un acte signale que la verrerie est en ruine.



[1] Falleur Jean-Baptiste, ° Lodelinsart 25-11-1730, y † 10-1-1815, x Sacré Marie-Joséphine (1730-1815)

[2] Falleur Edouard, ° Lodelinsart 1720±, y † 1794, x Hannicq Anne-marie

[3] A.G.R. – C.F. 5350

[4] X. DUQUENNE, Le château de Seneffe, Bru†xelles, 1978, p. 20.

[5] Houtart François-Emmanuel, ° Jumet 6-2-1802, † Aiseau 15-5-1876, x Marchiennes 22-10-1828, Cossée Fulvie, ° Marchiennes 21-4-1808, † Bruxelles 27-11-1887

[6] Bulletin officiel des lois et arrêtés royaux de la Belgique, Bruxelles, t. 16, 1837, p. 1525.

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